Chapitre 4. Analyse et modélisation de la mobilité résidentielle des ménages de l’aire urbaine de Lyon

Introduction

La décision des ménages en matière résidentielle est en fait un processus unique qui intègre deux composantes : le choix de changement de résidence (ou de déménagement) et le choix d’une nouvelle localisation.

Compte tenu de ce fait, théoriquement, il serait plus réaliste de modéliser les décisions en matière résidentielle des ménages (mobilité + localisation) par un seul modèle. Toutefois, il existe des raisons qui nous empêchent de le faire.

En premier, pour cela, on aurait besoin d’une base de données sur les ménages désagrégée, c'est-à-dire des données sur les caractéristiques de chaque ménage, y compris la localisation précise. Or, on ne dispose pas d’une telle source de données au niveau de l’aire urbaine lyonnaise. L’Enquête Logement, qui est la source principale de données décrivant les aspects liés aux comportements résidentiels des ménages, fournit des informations sur un échantillon de ménages à un moment donné, y compris leurs caractéristiques au moment du déménagement, avec une périodicité de 4-5 ans mais sans maintenir le même échantillon de référence. Mais on n’a pas dans cette base de données une variable qui décrive la localisation précise de chaque ménage ; la seule information dont on dispose c’est le département d’appartenance du ménage, découpage spatial caractérisé par une forte hétérogénéité, insuffisant par rapport à notre tentative de modélisation de la localisation résidentielle.

On voit donc apparaître le problème de l’opérationnalité des modèles, avec sa contradiction entre la condition de pertinence et celle de mesurabilité. Si on cherche à gagner en pertinence, on aura besoin de plus de paramètres, ce qui signifie parfois de données dont on ne dispose pas, c’est-à-dire un problème de mesurabilité. C’est le cas des données sur la localisation des ménages dans l’Enquête Logement, mais aussi de l’absence d’autres caractéristiques dans l’Enquête Logement ou dans le Recensement Général de la Population, fait qui soulève des difficultés de mesurabilité dans le cas où on veut traiter les deux composantes de la décision résidentielle dans un seul modèle.

De plus, dans la littérature, les deux facettes de la décision résidentielle sont souvent traitées séparément. Dans ces conditions, on va adopter l’alternative de modéliser séparément les deux étapes du processus de décision résidentielle, tout en considérant des modèles différents pour les choix de mobilité et de localisation des ménages. Cette solution est, par ailleurs, proposée dans la version actuelle d’URBANSIM.

Toute démarche de modélisation doit s’appuyer sur une étude de la problématique ou de l’objet du modèle via une analyse statistique des variables et des relations entre les variables d’intérêt proposées par la théorie spécifique. Cette étude permet de prendre connaissance de la situation concrète du phénomène étudié sur le territoire concerné - dans notre cas, le comportement de mobilité et de localisation résidentielle des ménages de l’aire urbaine de Lyon.

Les outils que l’on va utiliser sont des méthodes d’analyse statistique multidimensionnelle. L’utilisation de celles-ci présente des avantages importants par rapport à la problématique que l’on va étudier. Ce sont des méthodes qui permettent le traitement et l’analyse de grosses bases de données, avec de nombreuses variables et unités statistiques, adaptées à l’étude d’un phénomène complexe, multidimensionnel, comme c’est le cas du comportement des ménages en termes de choix résidentiels. Les interdépendances entre les variables sont bien prises en compte par ces méthodes, dont le fondement est l’analyse des corrélations statistiques. En plus, ces méthodes sont complémentaires, dans le sens où les résultats obtenus par les unes complètent et aident à interpréter les résultats des autres.

Dans ce chapitre, nous traitons la première étape du processus de décision résidentielle des ménages, celle du choix de déménagement. Le chapitre est structuré en quatre sections. La première section donne une image d’ensemble sur les relations importantes qui se manifestent entre ces variables et la mobilité résidentielle des ménages. Cette démarche se poursuit dans la deuxième section, dans laquelle on tente d’identifier les facteurs déterminants de la mobilité résidentielle annuelle des ménages, qui seront utilisés dans le modèle de choix de déménagement. L’analyse des tableaux croisés réalisée dans la troisième section permet de valider et d’expliquer les constats des analyses précédentes sur le comportement de mobilité résidentielle des ménages lyonnais. Enfin, la dernière section est dédiée à la construction du modèle de changement de résidence des ménages, qui passe par les étapes de spécification, de calage sur les données de l’aire urbaine de Lyon et de validation du modèle estimé.