5.3.2. Les choix de localisation des ménages

Maintenant, une analyse plus fine du comportement de localisation des ménages va être menée, en s’appuyant sur les données désagrégées (au niveau du ménage) du RGP de 1999 (les données exhaustives, contenant les 662 249 ménages de l’aire urbaine de Lyon).

La question qu’on se pose est de savoir qui se localise où, ou plus explicitement, pour chaque type de ménage défini en fonction de son profil, quel est le type d’IRIS, également défini en fonction de ses caractéristiques physiques, où il va se localiser. La mise en relation de ces deux groupes de caractéristiques décrivant le profil des ménages et celui des zones IRIS, fait ressortir, en fait, les préférences des différents types de ménages pour les différents types d’IRIS ou alternatives de choix de localisation.

D’abord, on va décrire le profil des quatre types d’IRIS (qui seront considérés comme alternatives possibles de localisation dans le modèle), défini en fonction des caractéristiques des IRIS (occupation du sol, accessibilités, prix immobilier) susceptibles d’être retenues dans la formulation du modèle (tableau n° 66). Ainsi, allant en ordre croissant de la première à la dernière (quatrième) catégorie d’IRIS (c’est-à-dire, avec l’augmentation de la densité de la population), on retrouve : une réduction du temps nécessaire pour aller au centre (une amélioration de l’accessibilité au centre), une forte augmentation de l’accessibilité aux infrastructures de transport (surtout au réseau de transport collectif, mais aussi au réseau autoroutier et aux gares ferroviaires), une amélioration de l’accessibilité aux différentes opportunités (commerces, établissements d’études, activités économiques (emplois), services (emplois tertiaires)), une augmentation du taux de surface d’habitat (exprimant une croissance de l’accès à la population ou une intensification des relations sociales), qui vont ensemble avec l’augmentation du niveau des prix immobiliers (à un niveau plus élevé de l’accessibilité correspond, logiquement, un niveau plus élevé du prix des logements). Les valeurs de l’indicateur global d’accessibilité augmentent (passant des valeurs négatives à des valeurs positives) avec l’augmentation de la densité.

Tableau n°66 : Les profils moyens des 4 types d’IRIS
Type d’IRIS – densité de population (hab./km 2 ) < 200 200 - 2250 2250 - 10000 > 10000
Temps d’accès au centre en VP 36,97 23,59 12,39 7,16
Taux de surface d’habitat 0,07 0,27 0,49 0,42
Nombre d’échangeurs autoroutiers accessibles en moins de 15 min 9,75 26,22 72,55 98,53
Nombre d’arrêts de bus à moins de 1000 m 1,08 3,68 7,91 16,25
Nombre de stations de métro à moins de 1000 m 0,04 0,01 0,24 1,11
Nombre de gares accessibles en moins de 30 min 12,69 23,48 33,53 38,52
Accessibilité gravitaire aux grands commerces 169,72 264,59 478,14 735,69
Accessibilité gravitaire aux établissements secondaires 12,43 20,79 39,65 57,83
Accessibilité gravitaire aux emplois 25527,56 41305,21 73051,33 102004,58
Accessibilité gravitaire aux emplois tertiaires 19662,98 32020,57 57587,08 81469,30
Prix moyen au m 2 de l’immobilier collectif ancien 660,38 850,00 885,55 900,40
Indicateur d’accessibilité agrégé -0,97 -0,48 0,33 1,12

Source : Traitement SPSS

Maintenant, on va analyser le comportement de localisation des ménages en fonction de chacune des variables décrivant leur profil. On va donc essayer d’établir une correspondance entre les différentes caractéristiques des ménages et les variables de profil des IRIS, correspondance qui exprime de quelle façon les caractéristiques des ménages influencent leurs choix en matière de localisation résidentielle.

Tableau n°67 : Localisation des ménages en fonction de l’âge de la personne de référence
Tableau n°67 : Localisation des ménages en fonction de l’âge de la personne de référence

Source : Traitement données RGP 1999

Tableau n°68 : Corrélation âge de la personne de référence – densité de la population
Tableau n°68 : Corrélation âge de la personne de référence – densité de la population

Source : Traitement données RGP 1999

Le tableau n° 67 montre qu’il y a un impact de la variable âge de la personne de référence sur la décision de localisation résidentielle des ménages, et le tableau n° 68 confirme que la relation est significative. Les ménages jeunes (de moins de 30 ans) se localisent plus dans des zones à densité élevée de population, c'est-à-dire, dans des zones plus proches du centre. Cela s’explique par le fait que ces ménages cherchent à se localiser dans des zones qui offrent une bonne accessibilité au centre, qui est le pôle d’emploi principal, et aux autres pôles emploi, conjugué au fait que leur revenu, qui est généralement plus réduit que celui des autres catégories de ménages, leur permet un moindre accès à la voiture et à la propriété. Ils seront donc obligés à s’installer plus proche du centre, dans les zones plus densifiées, où la desserte en transport collectif est également meilleure et le statut de locataire est prédominant.

Tableau n°69 : Localisation des ménages en fonction du revenu
Tableau n°69 : Localisation des ménages en fonction du revenu

Source : Traitement données RGP 1999

Tableau n°70 : Corrélation revenu – densité de la population
Tableau n°70 : Corrélation revenu – densité de la population

Source : Traitement données RGP 1999

Le revenu des ménages est une variable qui a certainement une influence sur leurs décisions de localisation. Les tableaux n° 69 et 70 confirment ce fait. Ainsi, on peut observer un accroissement du poids des ménages à haut revenu et une diminution de poids des ménages à bas revenu au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre. L’explication d’un tel comportement de localisation des ménages réside dans la logique suivante : les ménages ont une préférence de se localiser dans des zones moins densifiées, donc plus lointaines par rapport au centre ; si leur situation économique (revenus) leur permet de se procurer un logement ayant une superficie plus grande (de préférence, une maison individuelle) et de posséder un ou plusieurs véhicules, ils pourront s’installer dans une telle zone (où la superficie des logements et la proportion des maisons est plus élevée); dans le cas contraire, ils sont beaucoup plus sensibles à la desserte en transport collectif, qui est de meilleure qualité dans les zones centrales, ce qui les oblige à se localiser plus proche du centre (où, même si le prix au m2 de l’immobilier est relativement plus élevé, ce fait est compensé par les dimensions plus réduites des logements).

Tableau n°71 : Localisation des ménages en fonction du nombre de VP possédés
Tableau n°71 : Localisation des ménages en fonction du nombre de VP possédés

Source : Traitement données RGP 1999

Tableau n°72 : Corrélation nombre de VP – densité de la population
Tableau n°72 : Corrélation nombre de VP – densité de la population

Source : Traitement données RGP 1999

Les tableaux n° 71 et 72 confirment que la distribution dans le territoire des ménages en fonction du nombre de VP possédées n’est pas uniforme. On observe que le fait de posséder un ou plusieurs véhicules est associé à une probabilité plus élevée de se localiser loin du centre, dans des zones à densité plus faible. Cette tendance s’explique notamment par le fait que la localisation des ménages à la périphérie (deuxième couronne) de l’aire urbaine est conditionnée par le revenu, qui permet l’accès à la voiture. Le désir de se localiser de plus en plus loin du centre de l’agglomération alimente cette tendance, qui se matérialise par le phénomène d’étalement urbain et qui est associée à la croissance de la motorisation des ménages. Toutefois, en ce qui concerne l’existence d’un lien de causalité entre le taux de motorisation et le choix de localisation des ménages, il y a un point d’interrogation important, dans le sens où on considère que c’est plutôt la variable revenu qui oriente une décision de localisation plus ou moins lointaine par rapport au centre, et non pas le nombre de VP possédées par le ménage au moment du déménagement.

Tableau n°73 : Localisation des ménages en fonction du statut d’occupation du logement
Tableau n°73 : Localisation des ménages en fonction du statut d’occupation du logement

Source : Traitement données RGP 1999

Tableau n°74 : Corrélation statut d’occupation du logement – densité de la population
Tableau n°74 : Corrélation statut d’occupation du logement – densité de la population

Source : Traitement données RGP 1999

Entre le revenu et le statut d’occupation du logement des ménages existe une corrélation évidente : avec l’augmentation du revenu, la probabilité d’être propriétaire de son logement s’accroit. La variable causale dans ce cas est le revenu (c’est bien le revenu qui explique le statut d’occupation). Par conséquent, les ménages plus aisés qui ont plus de chances de se localiser dans les zones moins densifiées, ont également plus de possibilités d’être propriétaires de leur logement, ce qui explique l’association entre le statut d’occupation propriétaire et la faible densité de la population dans la zone, que l’on observe aussi dans les tableaux n° 73 et 74.

Tableau n°75 : Localisation des ménages en fonction de leur taille
Tableau n°75 : Localisation des ménages en fonction de leur taille

Source : Traitement données RGP 1999

Tableau n°76 : Corrélation taille du ménage – densité de la population
Tableau n°76 : Corrélation taille du ménage – densité de la population

Source : Traitement données RGP 1999

Si on regarde les tableaux n° 75 et 76, on constate qu’il existe un lien entre cette variable et le type d’IRIS de localisation, dans le sens où il y a une légère tendance d’installation des ménages de taille plus réduite dans les zones plus centrales. Cependant, même s’il existe un lien, on a des raisons pour décider de ne pas introduire cette variable parmi les facteurs explicatifs du modèle, en faisant l’hypothèse que la relation de causalité entre le nombre de personnes et la décision d’un ménage de se localiser dans une zone ou autre est incertaine : on peut considérer que ce n’est pas la taille du ménage qui va le déterminer à se localiser dans telle ou telle zone. En plus, il y a une corrélation entre cette variable et d’autres variables pour lesquelles la causalité est plus évidente, comme l’association entre les ménages de taille réduite (1 ou 2 membres) et les ménages jeunes, qui n’ont généralement pas d’enfants, et dont on a vu que se localisent plus proche du centre.

Tableau n°77 : Localisation des ménages en fonction du nombre d’actifs occupés
Tableau n°77 : Localisation des ménages en fonction du nombre d’actifs occupés

Source : Traitement données RGP 1999

Tableau n°78 : Corrélation nombre d’actifs du ménage – densité de la population
Tableau n°78 : Corrélation nombre d’actifs du ménage – densité de la population

Source : Traitement données RGP 1999

Les tableaux n° 77 et 78 nous montrent qu’il y a une relation entre le nombre d’actifs du ménage et la densité de l’IRIS où se localise le ménage. La proportion des ménages ayant 2 actifs ou plus est plus élevée dans les zones moins densifiées, ce qui peut être associé au fait que les ménages plus aisés (qui correspondent généralement aux ménages ayant un nombre plus élevé d’actifs dans leur composition) ont tendance à se localiser dans des zones à densité plus faible.

L’accessibilité aux différentes opportunités est l’un des facteurs essentiels qui orientent les décisions de localisation des ménages dans des zones plus ou moins densifiées (urbanisées) de l’aire urbaine. On a vu qu’il est possible de mesurer l’accessibilité aux différentes opportunités à travers plusieurs indicateurs spécifiques, mais aussi par un seul indicateur agrégé (sous la forme d’une composante factorielle), qui synthétise l’information fournie par les indicateurs retenus initialement. En ce qui concerne les caractéristiques de profil des ménages qui structurent ce type de choix, on retient toujours le rôle important de la variable revenu (les ménages à haut revenu ont tendance à s’installer dans les zones moins densifiées et réciproquement), mais on constate aussi l’effet de l’âge sur le choix de la localisation (dans le sens où le fait d’être jeune favorise la localisation dans une zone plus centrale de l’espace urbain).