1.1.2.Les fondements de la Construction de l’Identité

La construction identitaire de l'individu commence avec la socialisation/enculturation, impliquant ce que H. Malewska-Peyre et P. Tap nomment la personnalisation, « le processus par lequel l'individu, dès l'enfance, non seulement participe à la construction de sa propre personnalité, dans le jeux complexe de multiples déterminations, mais est en mesure, tout au long de sa vie, de remettre en question ce que l'on a fait de lui, grâce à ses capacités acquises de discrimination, de compréhension et d'autonomie ». Autrement dit, « l’identification est le processus selon lequel l’individu, depuis l’enfance, tend à construire sa personnalité sur le modèle de quelqu’un d’autre. C’est la tendance à se réaliser dans une forme personnelle (identité), construite en interaction avec certaines personnes privilégiées qui sont prises comme modèles. Ce processus se développe à partir des premiers attachements affectifs, ou de la découverte de points communs avec une autre personne, selon deux directions possibles : soit le sujet s’identifie à l’autre, soit il identifie l’autre à une partie de lui-même en le « plaçant » en lui 21  » (V. Aebischer, D. Oberlé, 1998). Plusieurs auteurs (G.-N. Fischer, 1996, et d’autres) considèrent l’identité comme le fruit de la socialisation dont la fonction est d’insérer la personnalité dans son contexte social ; elle s’inscrit dans un apprentissage par l’intériorisation des normes. Cette intériorisation des normes et valeurs a pour fonction de rendre siennes les règles sociales qui sont extérieurs à l’individu et d’augmenter la solidarité entre les membres du groupe. Selon Durkheim, la socialisation suppose la primauté de la société sur l’individu, c’est-à-dire l’exercice d’une contrainte par une autorité considérée comme légitime et un objectif défini au niveau social.

En effet, chaque identité ne se construit que dans un rapport à une autre identité. Elle implique la reconnaissance d’autrui, le besoin d’avoir de lui la confirmation de l’image que l’on tend à donner de soi aux autres. Comme écrit L. Baugnet, « l’identité se construit, se définit, s’étudie dans le rapport à l’autre ; elle est indissociable du lien social et de la relation à l’environnement. Les façons dont l’individu, le groupe se définissent, et sont définis, sont en étroite relation avec l’alter individuel ou de groupe dans un environnement » (Baugnet, 1998, p. 17).

Il y a deux significations principales de l’identité :

  1. l’identité dans le sens d’une interrogation : suis-je semblable, identique à quelque chose/quelqu’un d’autre ? Le processus en jeu est une sorte de « réflexion en l’autre », une identification à l’autre.
  2. L’identité comme caractère de l’unicité : mon identité est ce qui me rend unique, ce qui m’individualise par rapport à l’autre.

Entre les deux significations pour le terme d’identité il y a une tension, un paradoxe. On considère en effet qu’il y a une tension d’ordre dialectique entre les deux sens à donner à l’identité. Cependant, bien que les deux sens soient opposés, ils sont pourtant inséparables ; il n’y a pas de principe d’exclusion de l’un par l’autre. C’est un équilibre qui s’établit entre les deux, un équilibre entre d’une part ce qui nous rend semblable et d’autre part ce qui nous rend unique. En bref, on tombe dans l’excès soit en ne s’identifiant plus à personne, soit s’identifiant excessivement à un groupe jusqu’à en perdre sa propre identité.

Ainsi, l’identité est sociale dans son essence même car elle se construit en interaction avec autrui. L’identité se construit à travers un processus interactif d’assimilation et de différenciation par lequel l’acteur social (individu ou groupe) accède à une certaine représentation de soi. Il s’assimile aux autres en s’inscrivant dans des groupes sociaux plus larges et se différencie d’eux en s’appropriant certains traits ou caractéristiques. L’identification et l’individuation interagissent pour créer une identité bien structurée.

Notes
21.

V. Aebischer, D. Oberlé (1998) Le groupe en psychologie sociale, Paris, Dunod, 1998, p. 49.