1.1.5.Sentiment de différence

Le sentiment de « la différenciation sociale » ou processus d’individuation est présent également dans la constitution de l’identité sociale de l’individu. Le sentiment de différence est essentiel à la prise de conscience de son identité. Comme le remarquent V. Aebischer et D. Oberlé (1998), l’individu ne se contente pas d’établir des bilans comparatifs entre lui et les autres pour pouvoir apprécier les ressemblances. Il y trouve aussi le ressort pour se distinguer, pour ne pas agir comme tout le monde et pour se faire reconnaître en tant qu’être unique. Par cette affirmation de reconnaissance, « …il cherche ainsi à éviter la confusion entre lui et autrui, il tente d’affirmer son identité propre »28. La différenciation sociale a fait l’objet d’un certain nombre de recherches en France, par exemple, celles de Codol (1975, 1979, 1984) sur la perception des relations de similitudes. Les résultats de ces expériences (Codol & Jarymovicz, 1984) ont montré que dans une situation où le degré de similitude entre des sujets expérimentaux pouvait être objectivement mesuré, on a observé que les sujets percevaient d’autant moins la similitude que la similitude objective était forte. Tant que la similitude objective était faible, la similitude subjectivement perçue par les sujets lui correspondait sensiblement. Cette dernière diminuait progressivement à mesure que la similitude objective devenait forte. Il en ressort, comme le soulignent V. Aebischer et D. Oberlé (1998), que plus la similitude objective est grande, plus les sujets manifestent de la difficulté à la reconnaître.

Les groupes sont aussi des lieux de différenciation. L’individu se différencie, affirme sa singularité, et, souvent, sa supériorité par l’appartenance à un groupe. La différenciation repose sur des comparaisons entre groupes ou entre les membres d’un groupe et consiste dans la création d’une asymétrie entre eux. Elle peut avoir pour résultat d’entraîner des phénomènes de discrimination et de compétition entre groupes et entre membres d’un groupe, mais elle peut aussi susciter une concurrence pour créer et inventer.

Ainsi, par les différentes stratégies de différenciation sociale, les membres d’un groupe tendent à la recherche d’une identité sociale positive. Pour les groupes dominés ou défavorisés, la tentative de différenciation a pour but de réduire l’écart avec les groupes avec lesquels ils sont en compétition, soit en se rapprochant du groupe lui-même (mobilité sociale, ethnocentrisme renversé) soit en se rapprochant de leur statut (créativité sociale). Pour les groupes dominants ou favorisés, il s’agit de maintenir la différence.

Notes
28.

V. Aebischer, D. Oberlé (1998) Le groupe en psychologie sociale, Paris, Dunod, p.76.