1.2.1.Les approches sur la nature de l’ethnicité : le primordialisme et le constructivisme

Comme dans les travaux sur le nationalisme, on peut distinguer les courants primordialistes et constructivistes sur l’ethnicité. Les primordialistes voient dans l’ethnicité un phénomène naturel, besoin inné de s’insérer dans un groupe ethnique ou résurgence d’une identité indélébile. Selon leur idée, l’ethnie est une donnée objective et concrète et le lien primordial est antérieur à toute relation interethnique. C’est pourquoi il est donc très secondaire de s’intéresser aux relations avec les autres groupes. A. Smith définit l’ethnie du point de vue du primordialisme, par un nom propre en commun, le mythe d’une ascendance commune, une mémoire historique partagée, les éléments d’une culture en commun comme la langue ou la religion, les liens avec un pays d’origine. Le concept de primordialisme donne ainsi, comme écrit W. Dressler (1999), « … sa marque à ces faits sociaux qui apparaissent « naturellement » engendrés par un groupe ethnique »36.

Les constructivistes considèrent au contraire l’ethnicité comme une construction sociale, assise ou pas sur des critères objectifs, et se proposent d’en faire la genèse ou d’analyser les dynamiques sociales articulées autour des différenciations sociales. W. Dressler affirme que « …l’ethnicité est alors conçue comme un concept qui permet de décrire les frontières et les relations entre les groupes sociaux et d’organiser les identités et les interactions dans le champ social » (1999, ibid., p. 33). Nous trouvons également cette idée chez le sociologue D. Schnapper (1998) qui définit l’ethnicité commeun processus continu de dichotomisation entre « nous » et les « autres », dans lequel les individus utilisent des marqueurs pour se définir et définir leurs relations avec les autres37. Actuellement, du point de vue du constructivisme, l’anthropologue russe contemporain V. Tishkov formule la définition du peuple (la communauté ethnique) comme « …le groupe des gens dont les membres partagent le nom et les éléments de la culture commune, qui ont la même origine et la même mémoire historique et partagent le sentiment de leur solidarité »38.

Notes
36.

W. Dressler (1999) Le second printemps des nations. Sur les ruines d’un Empire, questions nationales et minoritaires en Pologne (Haute Silésie, Biélorussie polonaise), Estonie, Moldavie, Kazakhstan, Bruxelles, E. Bruylant, p. 29.

37.

D. Schnapper (1998) La Relation à l’autre. Au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, p. 158.

38.

Y. Aroutunyan (1998) Ethnosociologie : le manuel pour les établissements supérieurs (en russe), Moscou, Ed.Aspect Press, p. 34.