Aux Etats-Unis, on utilise l’expression ethnic group depuis les années 1960. Elle est appliquée aussi bien aux Blacks (catégorie raciale), qu’aux Juifs (catégorie confessionnelle) et à différentes minorités définies par référence à leur pays d’origine (les Portoricains, Italiens, Polonais, Chinois, etc.). Comme l’écrit M. Segalen, à l’origine de l’idéologie du melting pot, le concept d’ethnie est utilisé comme instrument de mise à distance et de domination. Les ethnics groups, ce sont tous les groupes minoritaires soumis à l’ordre culturel et politique des WASP, les « Blancs », anglo-saxons et protestants47.
Selon Abou (1981), un groupe ethnique est « un groupe dont les membres possèdent (à leurs propres yeux et aux yeux des autres) une identité distincte enracinée dans la conscience d’une histoire ou d’une origine commune. Cette prise de conscience est fondée sur des données objectives telles qu’une langue, une race ou une religion communes, voire un territoire, des institutions ou des traits culturels communs, quoique certaines de ces données puissent manquer ». Les principaux éléments récurrents du principe ethnique sont les rapports au passé, la référence à la culture et les processus d’identification. Ces éléments découlent donc d’une notion centrale, la filiation, et de ses nombreuses déclinaisons : filiation généalogique, filiation historique, filiation imaginée ou construite.
Comme l’écrit I. Taboada-Leonnetti (2000), la dimension temporelle se trouve au cœur de toute idée de groupe ethnique ou de nation. La référence au passé, qu’il soit lignager, clanique, régional ou national, ou encore mythique et réinterprété, permet au sujet de se situer dans un continuum temporel, de prolonger la trajectoire de sa vie, et de se projeter dans un avenir collectif, possible ou utopique, qui donne un sens à son existence48. Le terme « groupe ethnique » fait surtout appel aux caractéristiques linguistiques et culturelles qui peuvent différencier les groupes sociaux. Les individus membres de ces catégories peuvent difficilement nier qu’ils sont membres de ces groupes et ne peuvent pas facilement changer d’appartenance.
Ainsi, pour la plupart des auteurs, un groupe ethnique est une collectivité humaine caractérisée non seulement par la croyance que ses membres possèdent une histoire ou des ancêtres communs, mais aussi par une série de pratiques jugées distinctes - et cette distinction jugée à son tour significative - de celles d'autres groupes. Ces pratiques sont produites dans un processus historique et actuel d'interaction avec les autres groupes par des agents sociaux qui sont reconnus comme représentant le groupe. Le groupe ethnique émerge de la différenciation culturelle entre des groupes en interaction dans un contexte spécifique de relations interethniques. D’après P. Poutignat et J. Streiff-Fenard, le groupe ethnique n’existe jamais en lui-même : c’est la situation de pluralité qui lui donne naissance, en tant que mode pertinent de catégorisation sociale49.
M. Segalen (2001) Ethnologie. Concepts et aires culturelles, Paris, A. Colin, p. 17.
I. Taboada-Leonnetti Citoyenneté, nationalité et stratégies d’appartenance in Pluralité des cultures et dynamiques identitaires (2000), Paris, L’Harmattan, p 98.
G. Vinsonneau (2002) L’identité culturelle, Paris, A. Colin, p. 133.