2.1.2.La représentation dans l’interaction des groupes

Comme le remarque R. Gallissot dans son article Identité/Identification, la représentation identitaire inscrit la personne dans des formes collectives61. Des groupes se consolident, se fractionnent et fusionnent, ils se rapprochent ou se séparent dans leurs perceptions, attitudes et comportements. L’intelligence de ces phénomènes ne se réduit pas aux seules notions de conflit de communautés ou de hiérarchie d’intérêts. Des centaines de recherches ont été effectuées pour savoir comment les membres de différents groupes sociaux se représentent leur propre groupe (auto stéréotype) et les autres (hétéro stéréotype). Selon W. Doise (1976), la discrimination entre groupes s’exerce aussi lorsqu’un conflit d’intérêt n’est pas inévitable. Les rapports entre groupes sont en effet à l’origine de normes et représentations. Ce sont bien des instances psychosociologiques qui ont leur développement propre. Elles se transforment en institutions et idéologies qui survivent d’une certaine manière aux réalités « objectives » qui les avaient suscitées. La représentation est déterminée par l’interaction mais elle l’influence également. Dans la communication interculturelle, les représentations sociales jouent un rôle plus important que dans la communication avec des personnes de même culture.

Contrairement aux représentations de soi, les représentations intergroupes ont un caractère remarquablement collectif. C’est-à-dire que leurs contenus sont largement partagés par les membres d’un même groupe et se cristallisent à l’occasion d’interactions entre ceux-ci (W. Doise, 1973). En effet, au cours de l’évolution des interactions, les représentations sociales peuvent, elles aussi, évoluer. Selon Doise, les représentations intergroupes sont déterminées par la nature des rapports entre groupes en même temps qu’elles interviennent dans ces rapports. Les représentations intergroupes se forment et évoluent dans l’interaction sociale où les appartenances groupales prennent le dessus sur les spécificités individuelles. Il s’agit de contextes où les individus se perçoivent d’abord comme membres de groupes sociaux. Le contenu des représentations intergroupes sera déterminé par la nature des rapports entre ces groupes. 62.

Sherif a énoncé que les projets des groupes déterminent les caractéristiques psychosociologiques de leur interaction. Selon Sherif (1961), la connotation du contenu dépend de la nature coopérative (connotation plutôt positive ou neutre) ou compétitive (connotation plutôt négative) de la relation intergroupes. W. Doise (1976) a complété cette proposition fondamentale de la manière suivante : les projets déterminent les caractéristiques de l’interaction des groupes par les représentations qu’ils suscitent. Les représentations sociales jouent un rôle tout particulier dans l’interaction des groupes ; si leur contenu est bien modifié par la nature des rapports entre groupes, elles n’en influent pas moins sur le déroulement de ces rapports en anticipant leur évolution et en justifiant leur nature. La représentation est déterminée par l’interaction, mais elle l’influence également63. La représentation sociale du groupe et de ses frontières est en général définie « …sur la base de croyances dans l’interdépendance historique, territoriale, institutionnelle, linguistique et culturelle entre ses membres » (A. Elia Azzi et O. Klein, 1998)64. Mais ces croyances sont elles-mêmes des produits sociaux diffusés par des historiens, idéologues et hommes politiques.

Notes
61.

R. Gallissot Identité/Identification, p. 133in R. Gallissot, M. Kilani, A. Rivera (2000) L’imbroglio ethnique, Lausanne, Ed. Payot.

62.

J.-C. Deschamps, P. Moliner (2008) L’identité en psychologie sociale. Des processus identitaires aux représentations sociales, Paris, A. Colin, p. 85-86.

63.

W. Doise (1976) L’articulation psychosociologique. Les relations entre groupes, Bruxelles, Ed. De Boeck, p.111.

64.

A. Elia Azzi et O. Klein (1998) Psychologie sociale et relations intergroupes, Paris, Dunod, p. 86.