E. Durkheim (1895, 1898) fut le premier à évoquer le concept de représentations qu’il appelait « collectives » à travers l’étude des religions et des mythes. Il distinguait les représentations collectives des représentations individuelles. En opposant la notion de représentation collective à celle de représentation individuelle, Durkheim voulait prouver l’autonomie des phénomènes sociologiques. Pour lui, les représentations collectives étaient des productions mentales sociales caractérisées par la stabilité de transmission et de reproduction. A l’inverse, les représentations individuelles étaient posées comme étant variables et instables, sujettes à des influences diverses, internes et externes à l’individu. Il voulait souligner ainsi la spécificité de la pensée collective par rapport à la pensée individuelle.
Reprenant le concept de Durkheim, S. Moscovici (1961) a introduit le concept de représentation sociale qu’il définit comme « un système de valeurs, de notions et de pratiques relatives à des objets, des aspects ou des dimensions du milieu social, qui permet non seulement la stabilisation du cadre de vie des individus et des groupes, mais qui constitue également un instrument d’orientation de la perception des situations et d’élaboration des réponses 70 ». Moscovici définit la représentation comme un « univers d’opinions » et propose de l’analyser selon trois aspects : l’information, le champ de représentation et l’attitude71. R.Kaës complète cette définition par l’adjonction du terme « croyances », celles-ci étant entendues comme « l’organisation durable de perceptions et de connaissances relatives à un certain aspect du monde de l’individu »72. Il souligne qu’« il n’y a pas de coupure entre l’univers extérieur et l’univers intérieur de l’individu (ou du groupe) » (Moscovici cité par Abric, 1994, p.12). Autrement dit, comme le fait remarquer J. –C. Abric (1994), toute réalité est représentée, c’est-à-dire que l’individu ou le groupe se l’approprie. Étudier les représentations sociales revient donc à étudier un système d’interprétation de la réalité, le « sens commun » en quelque sorte, c’est-à-dire la façon dont les individus se représentent quelque chose, quelqu’un, un événement ou une idée. Cette connaissance, socialement élaborée et partagée, écrit Jodelet (1994), permet au sujet de construire une réalité qu’il partagera avec les autres.
D’après S. Moscovici, la représentation structure des données en deux étapes successives : l’objectivation et l’ancrage.
Au cours de la première étape, dite d’« objectivation », se réalise le passage du sens complexe perçu dans l’objet à une figure simplifiée. Autrement dit, le processus d’objectivation implique une sélection, une catégorisation de l’objet pour permettre aux gens de s’approprier et d’intégrer des phénomènes ou des savoirs complexes. Il comporte trois étapes :
Au cours de la seconde étape, l’« ancrage », le noyau figuratif s’inscrit dans un système d’interprétation qui permet au sujet d’attribuer un sens à ses conduites et aux divers événements de son existence. Ce processus suppose la mise en œuvre légèrement modifiée ou, au contraire, l’altération complète des représentations existant dans la tête de l’acteur confronté à un objet problématique ou étrange. C’est autour de lui que se construit l’ensemble de la représentation sociale.
G.-N. Fischer (1996) Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, Paris, Dunod, p. 125.
G. Vinsonneau (1997) Culture et comportement, Paris, A. Colin, p. 91.
C. Herzlich La représentation sociale p.310 in S. Moscovici (1972) L’introduction à la psychologie sociale, Paris, Larousse.