2.3.1.Stratégies identitaires. Approches conceptuelles

En psychologie sociale, la notion de stratégie identitaire suggère l’existence d’une certaine liberté des acteurs d’agir sur leur propre définition de soi. Plus précisément, les stratégies identitaires sont définies par de nombreux auteurs comme «  des procédures mises en œuvre (de façon consciente ou inconsciente) par un acteur (individuel ou collectif) pour atteindre une, ou des, finalités (définies explicitement ou se situant au niveau de l’inconscient), procédures élaborées en fonction de la situation d’interaction, c’est-à-dire en fonction des différentes déterminations (socio-historique, culturelles, psychologiques) de cette situation ». (E. M. Lipiansky ; I. Taboada-Leonetti ; A. Vasquez, 1990, p.24). Ainsi, dans des situations différentes, l’individu adopte chaque fois une stratégie qui s’appuie avant tout sur la négociation permettant de résoudre les conflits intra- et intersubjectifs, nés de la situation d’hétérogénéité culturelle78.

Selon H. Malewska-Peyre (1993), la stratégie identitaire est « un ensemble de manœuvres » pour éviter l’angoisse ou la dévalorisation. Elle emploie ce terme dans sa plus large acception pour pouvoir parler de « mouvements » aussi bien au niveau psychique qu’au niveau social. Le premier critère permettant de caractériser les stratégies est leur intériorité ou leur extériorité 79.L’intériorité engage surtout des mécanismes psychologiques qui permettent de réduire la souffrance et l’angoisse. L’extériorité implique le changement de la réalité : la sienne ou celle de son groupe d’appartenance. Les stratégies intérieures ont souvent pour objectif de réduire l’angoisse. H. Malewska-Peyre écrit qu’il y a une forte corrélation entre l’expérience vécue du racisme et l’angoisse. Les gens ayant fait l’objet de racisme suppriment l’expérience angoissante ou la refoulent. Les stratégies extérieures sont souvent beaucoup plus élaborées. Elles peuvent être individuelles ou collectives.Le « choix » de la stratégie dépend aussi bien de la situation individuelle que de la situation de la société. Le contexte culturel et social joue un rôle important. Suivant les situations de différence entre les cultures, d’exclusion sociale, de discrimination sociale, de menace pour l’identité, et aussi de changement social rapide, les stratégies ne seront pas les mêmes. Ces stratégies, précise H. Malewska, dépendent aussi des ressources des personnes80.

E.M. Lipiansky (1990) caractérise la stratégie identitaire comme un ensemble coordonné d’opérations et d’actions en vue d’atteindre un objectif. Ellepeut être intentionnelle ou non-intentionnelle, consciente ou inconsciente. La stratégie identitaire est un processus interactif où la conscience de soi est constamment influencée par le regard de l’autre, par les mécanismes de comparaison sociale et de catégorisation et par la recherche de reconnaissance, de valorisation et d’intégration (ou de différenciation»). Ainsi, pour maintenir ou acquérir une identité sociale garante de l’estime de soi dans un système social donné, le sujet module ses liens d’appartenance en adoptant des stratégies spécifiques. Comme l’écrit L. Baugnet (2001), le choix d’une stratégie particulière dépend du contexte des caractéristiques objectives de la situation et de la façon dont l’individu se forge sa connaissance des groupes dans ce contexte social et culturel81.

Ainsi,les stratégies identitaires sont destinées àmaintenir ou acquérir une identité sociale positive. Lorsque le prestige du groupe et donc l’identité sociale sont ressentis comme insatisfaisants, les individus s’engagent dans des stratégies plus valorisantes. Les stratégies identitaires suivantes sont classiquement distinguées (L. Baugnet, 1998, 2001) :

a) la stratégie de mobilité individuelle (la conviction qu’il est possible de rejoindre le groupe « de référence »),

b) la stratégie du changement social (l’action collective à travers une différenciation positive),

c) la stratégie de changement de type cognitif (la compétition en vue d’obtenir une reconnaissance jusque-là refusée).

Notes
78.

Z. Guerraoui, B. Troadec (2000) Psychologie interculturelle, Paris, A. Colin, p. 79.

79.

H. Malewska-Peyre (1993) Marginalités et troubles de la socialisation, Paris, PUF.

80.

H. Malewska-Peyre Dynamique de l’identité, stratégies identitaires in Pluralité des cultures et dynamiques identitaires (2000), Paris, L’Harmattan, p 47.

81.

L. Baugnet (2001) Métamorphoses identitaires, Bruxelles, P.I.E.- Peter Lang S. A., p. 46.