Ces stratégies ont pour objectif de trouver de nouveaux éléments de comparaison pour valoriser l’endogroupe par rapport aux autres groupes. En fait, lorsqu’une situation est socialement et culturellement défavorable au groupe, ses membres peuvent comparer leur groupe et d’autres groupes, en choisissant des critères qui permettent de le valoriser84 (L. Baugnet, 1998). C’est pourquoi cette stratégie peut être qualifiée de créativité sociale au sens où il y a une nouvelle présentation du groupe par des formules de type (« on est peut être pas riches mais on sait vivre », « au Kazakhstan, il n’y a pas ni le Louvre ni Montmartre mais le pays est cinq fois plus grand que la France et a beaucoup de pétrole »).
L’autre stratégie peut consister à inverser la polarisation de l’endogroupe par rapport à l’exogroupe. Ce qui auparavant était jugé comme négatif est repris en positif (black is beautiful). Comme le résume L. Baugnet (2001), ces stratégies cognitives permettent au niveau individuel de restaurer un équilibre cognitif cohérent avec une identité sociale positive et au niveau collectif de favoriser une certaine idéologisation du groupe. Dans les stratégies cognitives, il n’y a pas de changement social réel, visible immédiatement, mais un changement dans la façon de penser et de dire qui caractérise le groupe d’appartenance, dans le cadre des rapports entre groupes dominants/dominés, majoritaires/minoritaires, avec les conséquences possibles qu’un tel discours peut avoir sur les rapports entre les groupes85.
C. Camilleri (1989, 1990) montre dans ses nombreuses recherches menées dans des populations de migrants vivant en France, que les stratégies identitaires sont multiples, et qu’elles varient selon diverses caractéristiques sociales et individuelles. Ces stratégies visent fondamentalement à relever deux défis majeurs de l’acculturation : la remise en cause de l’unité de sens et la dévalorisation sociale, consécutives à des rapports sociaux inégalitaires. Enfin, en analysant les moyens employés par les migrants pour résoudre le conflit de valeurs existant entre la culture d’origine et celle du milieu d’accueil, Camilleri distingue globalement des stratégies que l’on pourrait qualifier d’extrêmes, car elles visent, soit à conserver intacte la culture d’origine (dimension ontologique), soit au contraire à la gommer au profit de la culture dominante du pays d’accueil (assimilation), c‘est-à-dire la dimension pragmatique. Entre ces deux extrêmes, il observe des stratégies intermédiaires de recherche de compromis et d’équilibre. Ainsi, Camilleri pense que l’équilibre de l’individu est atteint quand, entre autres conditions, les représentations et valeurs auxquelles il s’identifie, par lesquelles il fixe une signification à son être, sont celles-là même qui lui permettent de s’accorder avec son environnement. Tout au moins elles doivent être homologues, c’est-à-dire relever d’un même modèle. Alors est réalisée la cohérence entre ce qu’il appelle d’une part la fonction ontologique et, d’autre part, la fonction pragmatique (ou instrumentale) de l’identité86.
L. Baugnet (1998) L’identité sociale, Paris, Dunod, p. 95.
L. Baugnet 1998) L’identité sociale, Paris, Dunod, p. 98.
C. Camilleri Identité et gestion de la disparité culturelle : essai d’une typologie, p. 93 inC. Camilleri et al. (1990) Stratégies identitaires, Paris, PUF.