2.4.1.7. Les stratégies de modération des conflits de codes

Ces stratégies sont plus problématiques car les sujets ne réussissent plus à éviter le conflit avec eux-mêmes : ils essaient de le modérer, faute d’y échapper. Camilleri distingue différentes stratégies de ce type :

  1. La pondération différentielle des valeurs en opposition – En vivant sur des représentations et valeurs contradictoires, l’individu tente de modérer le conflit intérieur, en ne leur attribuant pas le même poids, c’est-à-dire en s’y investissant inégalement. Par exemple, l’individu formule des désaccords plus ou moins graves avec sa famille sur nombre de points où elle s’en tient à des positions traditionnelles, mais il y reste sans manifester une réaction de révolte ou de rancœur. Il peut même déclarer qu’il y est « bien ». Cette stratégie provoque certes des tensions internes mais l’individu parvient à « faire avec », dans la mesure où il n’a pas besoin d’une identité totalement intégrée.
  2. Les limitations de l’item perçu comme pénible – Dans ce cas, on continue à vivre avec des valeurs opposées à celles auxquelles on adhère, mais en les limitant de diverses façons. Par exemple, des jeunes admettent de respecter les normes traditionnelles de leur famille, mais en se promettant, une fois mariés, de vivre selon les leurs.
  3. L’alternance systématisée des codes – C’est une autre forme de l’acceptation aménagée du conflit. L’individu recherche périodiquement l’immersion compensatrice dans des activités sursaturées en représentations traditionnelles : elles lui permettent d’absorber le malaise et la culpabilité accumulés dans sa vie quotidienne, conduite selon les normes d’un univers antithétique.

En conclusion, Camilleri attire l’attention sur trois remarques :

Cependant, la théorie des stratégies identitaires de Camilleri, malgré son apport novateur, a été critiquée par certains auteurs (P. Dasen & T. Ogay, 2000 ; P. Dasen, 2001). En fait, cette théorie a été développée presque exclusivement avec une seule population, les Maghrébins en Afrique du Nord ou en France. D’après Dasen (2001), cela induit qu'une dévalorisation de la culture d'origine, et un rejet raciste, sont inévitables, en situation coloniale comme en migration, et que l'interculturation est donc nécessairement problématique. Cela renforce la tonalité négative de la plupart des travaux de psychologie clinique par rapport aux migrants, critiqués par Dasen dans la réflexion de synthèse du congrès de psychologie du contact de cultures qui s’est tenu à Lyon87.

Notes
87.

P. Dasen La méthode comparative : un luxe anglophone ? Colloque Construction transfrontalière du champ interculturel, 30/04/2001.