En conclusion, nous constatons que l’interprétation et la compréhension de l’environnement social constituent l’une des principales fonctions remplies par les représentations sociales. Une représentation est constituée d’un ensemble d’informations, de croyances, d’opinions et d’attitudes à propos d’un objet donné. Il s’agit d’un ensemble d’éléments cognitifs relatifs à un objet social. En effet, les fonctions identitaires des représentations sociales permettent aux individus et aux groupes de se montrer, d’être entendus et identifiés, de maintenir un lien, une existence sociale et une identité sociale positive (L. Baugnet, 2001, p. 25). Ceci permet de considérer les représentations sociales comme « images reliantes » (Baugnet, 1995) au cœur des processus identitaires.
De nombreux auteurs (S. Moscovici, J. –C. Abric, P. Moliner, D. Jodelet, C. Flament) s’intéressant aux représentations sociales s’accordent à reconnaître leur aspect structurel, composé d’un noyau central et d’éléments périphérique. Cette structure est hiérarchisée puisque les éléments qui la composent ne sont pas mutuellement indépendants et entretiennent entre eux des relations qui en déterminent la signification. Ainsi, toute représentation est composée de deux systèmes (un central et un périphérique) où chacun a un rôle spécifique mais complémentaire de l’autre. Le système central étant directement associé aux valeurs et aux normes, il définit les principes fondamentaux autour desquels s’organisent les représentations. Il assure la stabilité et le maintien de celles-ci. Le système périphérique est davantage lié au contexte occasionnel et immédiat auquel sont confrontés les individus. Il permet l’adaptation, l’évolution de la représentation, tout en protégeant le système central qui est l’identité même de la représentation. Par contre, comme l’écrit C. Flament (1989), des désaccords entre réalité et représentation modifient d’abord les schèmes périphériques, puis éventuellement le noyau central, c’est-à-dire la représentation elle-même88.
Les représentations sont avant tout sociales par leur « forme de connaissance, socialement élaborée et partagée ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1989). Dans ses recherches expérimentales sur les relations représentations-comportements, C. Abric (1989) a montré que les comportements individuels ou de groupes sont directement déterminés par les représentations élaborées dans et à propos de la situation et de l’ensemble des éléments qui la constituent. Autrement dit, les comportements des sujets ou des groupes ne sont pas déterminés par les caractéristiques objectives de la situation mais par la représentation de cette situation. La différence des représentations sociales s’explique par le fait que tous les groupes sociaux ne partagent pas les mêmes valeurs, les mêmes normes, les mêmes idéologies. Or tous élaborent une vision de la réalité qui dépend étroitement de celles-ci. Il en résulte que les représentations des uns ne sont pas celles des autres. Ainsi, comme l’écrit P. Rateau (2000), « les représentations peuvent être alors des outils pour les sujets eux-mêmes quand ils veulent modifier les discriminations dont ils sont l’objet, changer le contexte des échanges symboliques entre membres d’une société, faire évoluer les mentalités ».
A propos de la nature sociale des représentations, il convient d’ajouter que chaque individu ou groupe social (ethnique, religieux, culturel) ayant une représentation de soi-même et des autres, développe un ensemble de relations sociales basées sur des comportements (de rejet, d’acceptation) et des idées (préjugés, stéréotypes). Pour plusieurs auteurs (Deschamps, 1982 ; Lorenzi-Cioldi, 1988), la position sociale d’un groupe détermine la forme de représentation intergroupe qu’il élabore. La distinction entre les groupes dominants et les groupes dominés permet d’envisager de nouvelles articulations de deux représentations sociales différenciées, liées aux statuts des groupes dans la hiérarchie sociale. Dans un groupe socialement dominant, les individus élaborent une représentation endogroupe hétérogène. On parle alors de « groupe collection », dans la mesure où, selon ses membres, il résulte d’une collection d’individus différents. Par ailleurs, ce type de groupe élabore des représentations exogroupes homogènes. On parle ici de « groupe agrégat », dans la mesure où ses membres sont considérés comme des individus indifférenciés. Dans un groupe socialement dominé, c’est le contraire qui se produit. La représentation endogroupe est celle d’un groupe agrégat, tandis que la représentation exogroupe est celle d’un groupe collection89.
Ainsi, nous voyons que les stratégies identitaires peuvent reposer sur des représentations sociales ou des représentations identitaires. Les représentations sociales constituent les repères à partir desquels les individus pourront manifester leur identité, en paroles mais aussi en actes. Autrement dit, ce sont bien ces représentations qui orientent les comportements et les communications (Moscovici, 1961). C’est pourquoi on peut considérer qu’elles jouent un rôle fondamental dans les dynamiques et les stratégies identitaires. En effet, comme le soulignent J. – C. Deschamps et P. Moliner (2008), « la mise en œuvre d’une stratégie identitaire peut aussi se réaliser au travers des distances que l’individu va maintenir ou rechercher entre la représentation de soi, celle de l’endogroupe et celle de l’exogroupe 90 ». C’est pourquoi, en fonction de la situation, l’individu peut recourir à différents types de stratégies. En effet, le but de chaque est la valorisation de Soi. On distingue des stratégies individuelles, dont l’unique fonction est de valoriser l’estime de soi individuelle et, des stratégies collectives, qui ont pour objet de valoriser l’image du groupe et donc l’identité sociale. Dans le chapitre suivant, nous allons analyser le caractère variant des relations intergroupes.
C. Flament Structure et dynamique des représentations sociales, p. 238 in D. Jodelet (1989) Les représentations sociales, Paris, PUF.
C. Deschamps, P. Moliner (2008) L’identité en psychologie sociale, Paris, A. Colin, p. 112.
C. Deschamps, P. Moliner (2008) L’identité en psychologie sociale, paris, A. Colin, p. 139.