M. Sherif (1961) est l’un des premiers chercheurs qui a étudié expérimentalement les relations intergroupes. Son premier objectif était d’établir les conditions qui sont à l’origine des conflits entre groupes sociaux et de dégager ainsi les éléments qui peuvent résoudre ces conflits. Selon Sherif, pour comprendre le comportement intergroupe, il faut analyser les relations entre les groupes. Elles peuvent être décrites comme conflictuelles ou coopératives. Dans le premier cas, les relations entre deux groupes deviennent conflictuelles lorsque leurs désirs d’obtenir des biens concrets deviennent incompatibles, notamment lorsque les ressources deviennent rares (par exemple, biens ou territoires) ou abstraites (pouvoir). En d’autres termes, la situation devient conflictuelle lorsque les relations entre deux groupes sont compétitives, de telle sorte que les intérêts de l’un ne peuvent être atteints qu’au détriment de ceux de l’autre. Dans le second cas, la coopération naît de l’adhésion à un objectif commun (but supra-ordonné) qui ne peut être obtenu qu’à travers le soutien réciproque actif. Le conflit s’atténue donc si les deux groupes sont amenés à coopérer pour atteindre un but commun103.
Ainsi, le conflit intergroupe dépend de la structure objective des relations qu’ils ont entre eux : si ces relations sont compétitives, le conflit est alors inévitable, c’est par la création d’une structure de relations coopératives que le conflit est évité ou résolu. L’expérience de Sherif a montré également le changement des représentations dans le déroulement des relations entre groupes ; une perception défavorable se développe entre les groupes qui ont à exécuter des projets incompatibles. Les membres d’un groupe n’envisagent et ne réalisent que des contacts hostiles avec ceux de l’autre groupe. Ils élaborent des images négatives les uns des autres. Seule la réalisation de projets supra-ordonné, nécessitant un effort commun et créant ainsi une interdépendance positive, pourrait changer ces images et réduire l’hostilité entre les membres des deux groupes. C’est pourquoi pour Sherif, compétition et conflit sont dus à des motifs objectifs ; ils déclenchent des préjugés et des biais pro-endogroupes. Alors que la coopération en vue d’un objectif commun provoque une diminution du préjugé dans le contact intergroupe. Cependant, la théorie des conflits réels n’a pas pris en compte la multiplicité des objectifs, leur hiérarchisation, la diversité des moyens pour atteindre tout objectif, l’élaboration d’un consensus sur les objectifs de groupe ainsi que les moyens appropriés pour les atteindre.
F. Sisbane, A. E. Azzi (2001) Identités collectives et tolérance de la différence dans les relations entre groupes sociaux, Bruxelles, EUI Working papers, p.3.