3.3.1.1.La discrimination intergroupe

La discrimination entre groupes est un phénomène de la vie sociale. Elle est définie comme « tout comportement qui dénie à des individus ou à des groupes l’égalité de traitement qu’ils souhaiteraient » (Allport, 1954, p. 50)112. En privilégiant son propre groupe, l’individu améliore en effet sa position à l’intérieur de ce groupe et rend en même temps le groupe, qui est un des principaux moyens de survie dont il dispose, plus efficace. Beaucoup de recherches ont déjà montré que le seul fait d’être membre d’un groupe expérimental, dont l’existence est par définition très provisoire, donne lieu à des sentiments de supériorité et de discrimination envers les membres d’autres groupes semblables (Blake et Mouton, 1961 ; Ferguson et Kelley, 1964 ; Rabbie et Horwitz, 1968 ; Sherif et all., 1961).

Selon Tajfel, c’est la catégorisation qui déclenche le comportement de discrimination.  Tajfel interpréte la discrimination entre groupes comme une preuve de la formation du groupe. Le fait d’attribuer davantage à son propre groupe qu’à l’autre permet à l’individu de se comparer favorablement aux membres de l’autre groupe. Ce biais en faveur du groupe interne permet aux sujets de maintenir ou d’acquérir une identité sociale positive. Cette distinction permettrait de privilégier une appartenance parmi les autres pour guider son comportement. L’effet d’accentuation a une importance capitale dans la conception tajfelienne de la discrimination intergroupe. Toutefois, comme écrit A.- M. De la Haye, « l’effet d’accentuation ne peut expliquer qu’en partie l’apparition des stéréotypes et des préjugés intergroupes. Il permet de comprendre pourquoi les gens ont tendance à croire que les membres d’un même groupe se ressemblent, et que les membres de groupes différents ne se ressemblent pas 113 ».

Selon Turner (1978) trois sortes de facteurs peuvent influencer la discrimination entre deux groupes : l’appartenance doit être intériorisée ; la situation sociale doit permettre des comparaisons entre groupes ; la sélection, l’évaluation d’attributs pertinents doivent être possibles ; plus deux groupes sont proches, plus la comparabilité sera forte (pertinence de la comparaison)114. En parlant du rôle du conflit intergroupe dans la discrimination, W. Doise (1969) croit que même quand un conflit d’intérêt est aussi important à l’intérieur de groupes en interaction qu’il est entre ces groupes, on peut s’attendre à ce que la discrimination s’établisse quand même en faveur des membres de son propre groupe115. Quand la discrimination causée par l’appartenance aux deux groupes préalables est plus forte que la discrimination causée par le conflit d’intérêt actuel, l’opposition à l’intérieur des groupes expérimentaux sera plus grande que l’opposition entre ces groupes. Quand cependant un conflit d’intérêt passager devient plus intense que la discrimination préalable, on peut prédire que la discrimination fondée sur le conflit actuel se manifestera.

Notes
112.

A. E. Azzi, O. Klein (1998) Psychologie sociale et relations intergroupes, Paris, Dunod, p. 33.

113.

A.- M. De la Haye (1998) La catégorisation des personnes, Grenoble, PUG, p.18.

114.

L. Baugnet (2001) Métamorphoses identitaires Bruxelles, P.I.E.- Peter Lang S. A., p. 43.

115.

W. Doise Les stratégies de jeu à l’intérieur et entre des groupes de nationalité différente in Bulletin du C.E.R.P. p.13-27 N°18, 1969.