3.3.2.Ethnocentrisme

Le phénomène d’ethnocentrisme se manifeste par une forte identification à son groupe lorsque les membres d’un groupe ont tendance à se percevoir sous une catégorie positive et supérieure et à reconnaître les personnes appartenant à d’autres groupes comme une catégorie négative et inférieure. Ce processus se compose de deux éléments principaux :

Autrement dit, selon P. Dasen (1993 ), l’ethnocentrisme est l’attitude d’un groupe culturel consistant à s’accorder une place centrale par rapport aux autres et à valoriser positivement ses propres créations et particularismes. Cette attitude mène à un comportement projectif à l’égard des autres groupes qui sont interprétés à travers le mode de pensée propre. Cette centration sur son propre groupe social et sur sa propre culture fait qu’il est difficile d’envisager la possibilité que l’autre soit différent de soi, parce que l’on projette sa propre réalité sur lui pour donner du sens à ses actes (Z. Guerraoui, B. Troadec, 2000). Un tel comportement va de pair avec le refus de la diversité des cultures et est habituellement considéré comme synonyme d’intolérance et de xénophobie, de racisme et de stigmatisation. L’ethnocentrisme constitue donc une tendance universelle plus ou moins consciente à valoriser sa propre culture et à dévaloriser celle de l’autre.

Le terme d’ethnocentrisme, introduit par le sociologue Sumner (1906), est devenu central dans l’étude des relations entre groupes ethniques. L’ethnocentrisme désigne selon Summer la conception selon laquelle : « Notre propre groupe est le centre de toutes choses, tous les autres groupes étant mesurés et évalués par rapport à lui […] Chaque groupe nourrit sa propre fierté et vanité, se targue d’être supérieur, exalte ses propres divinités et considère avec mépris les étrangers… Chaque groupe pense que ses propres coutumes sont les seules bonnes et s’il observe que d’autres groupes ont d’autres coutumes, celles-ci provoquent son dédain 118  ».

Sumner a observé que la formation d’un intra-groupe implique l’attachement psychologique des membres au groupe et à ses valeurs, ce qui devient la base d’une manifestation particulière d’ethnocentrisme. Remarquant les distances sociales prévalant entre groupes humains et les réactions hostiles de certaines tribus primitives envers toute personne étrangère, Sumner a suggéré que l’antagonisme envers les étrangers était un sous-produit naturel de la formation de l’intra-groupe. Ainsi, l’ethnocentrisme désigne la position de ceux qui estiment que leur propre manière d’être, d’agir ou de penser doit être préférée à toutes les autres.

Cependant, comme remarquent M. Sherif et C. W. Sherif (1979) dans leur article Les relations intra- et intergroupes, c’est une vue est très incomplète. Elle néglige le fait que des relations intergroupes doivent être établies petit à petit entre les groupes et que le caractère de telles relations a des propriétés qui affectent le point de vue des groupes concernés. Il n’est pas vrai que les relations intergroupes suivent toujours un cours invariablement hostile. Même, au contraire, chaque groupe regarde certains autres groupes comme inoffensifs, sinon comme amis et alliés. La prédiction de la nature des relations n’est possible que si la nature des rencontres est spécifiée dans le temps119. Enfin, comme remarque Lévi-Strauss (1983), « une certaine dose d’ethnocentrisme est en fin de compte irréductible, et pour être réaliste, représente une constante inhérente à tous les rapports entre individu et groupes 120  ».

Notes
117.

Z. Guerraoui, B. Troadec (2000) Psychologie interculturelle, Paris, A. Colin, p. 14.

118.

Y. Aïssani (2003) La psychologie sociale, Paris, A. Colin, p. 134.

119.

M. Sherif et C. W. Sherif « Les relations intra- et intergroupes » in W. Doise (1979) Expériences entre groupes, Paris, Mouton, p. 24.

120.

C. Giordano L’insoutenable innocence de l’interculturel, p. 167in A. Gohard-Radenkovic, A. J. Akkari (2008) Coopération internationale : entre accommodements interculturels et utopies du changement, Paris, L’Harmattan.