3.3.4. Les genèses des stéréotypes

L’utilisation de stéréotypes sociaux est souvent conçue comme une des manifestations possibles des préjugés. Par exemple, R. Avigdor (1979) pense que « … l’étude des stéréotypes est indispensable à la compréhension du problème plus général des préjugés, dont ils constituent un aspect important  122 ». Dans son travail consacré à la genèse des stéréotypes, R. Avigdor explique qu’au cours du processus de « socialisation », l’individu élevé dans un groupe acquiert certaines images stéréotypées de divers « out-groups », et les préjugés qu’elles illustrent, avec l’ensemble du système de valeur de son propre groupe. Selon les résultats de ses travaux sur les enfants, R. Avigdor (1979) a conclut que le stéréotype qu’un groupe développe à l’égard d’un autre groupe est fonction du mode de contact existant entre les deux groupes :

  1. Le stéréotype est généralement défavorable si les relations entre les deux groupes sont conflictuelles, généralement favorable si ces relations sont amicales ou ont un caractère coopératif.
  2. Dans le cas d’une interaction conflictuelle entre les groupes, le stéréotype tend à être nettement défini et comprend les caractéristiques les plus aptes à induire des comportements tendant à augmenter le conflit.
  3. Dans le cas de relations coopératives ou amicales entre les deux groupes, le stéréotype est moins net, des traits positifs variés pouvant être attribués à l’autre groupe, qu’ils contribuent ou non à améliorer ces bonnes relations.

Les stéréotypes servent à préserver ou à établir un certain type de rapports avec l’autre, habituellement de façon négative, pour justifier un rejet ; parfois de façon positive, pour critiquer indirectement son propre groupe (G. Verbunt, 2001). Nous trouvons cette idée aussi chez H. Piéron (1968), qui définit le stéréotype comme un cliché des membres d’un groupe. Dans ce contexte, nous pouvons citer Doise (1984) qui pense qu’un stéréotype social existe quand plusieurs membres d’un groupe accentuent les différences qui existent entre les membres de leur groupe et les membres d’un autre groupe tout en accentuant les ressemblances entre les membres de cet autre groupe. Alors, la perception intergroupe procède par les stéréotypes.

Ainsi, l’enjeu des stéréotypes et, en général, des représentations de l’autre, ne relève pas de la connaissance, mais des relations qu’un individu ou un groupe souhaite entretenir avec cet autre. Le stéréotype considère l’autre non comme un individu autonome, mais comme le membre d’un groupe. Selon G. Vinsonneau (1999) le stéréotype correspond à l’aspect cognitif des préjugés, c’est-à-dire qu’il rassemble des caractères appliqués régulièrement et de manière rigide à tout membre d’un groupe social donné, en raison précisément de cette appartenance.A la différence du préjugé, qui désignerait une attitude, une tendance à évaluer favorablement ou non un objet, le stéréotype ne comprendrait que des croyances et des opinions concernant les attributs que véhiculent un groupe social et ses membres123.

Notes
122.

R. Avidor « Etude expérimentale de la genèse des stéréotypes » in W. Doise (1979) Expériences entre groupes, Paris, Mouton, p. 87.

123.

G. Vinsonneau (1999) Inégalités sociales et procédés identitaires, Paris, A. Colin, p. 9.