3.3.5.Préjugés

Le phénomène qu’on appelle préjugé se définit comme une attitude, souvent négative et irrationnelle manifesté par un individu ou un groupe envers d’autres individus ou d’autres groupes à cause de leur appartenance à une catégorie sociale différente. Cette définition a été proposée par G. W. Allport (1954). Les préjugés se situent au niveau des jugements cognitifs et des réactions affectives. Il existe la possibilité de réduire les préjugés. Par exemple, Allport indiquait que « le préjugé (sauf s’il est profondément enraciné dans la structure caractérielle de l’individu) peut être diminué par le contact, dans les conditions d’égalité de statut entre les groupes majoritaires et minoritaires engagés dans la poursuite de buts communs » (Allport,1954, p. 267)124.

Par ailleurs, la notion de préjugé se distingue de celle de stéréotype de la façon suivante. Les stéréotypes représentent des jugements catégoriels tandis que les préjugés sont des jugements de valeur négatifs à propos de l’exogroupe. Un préjugé est une attitude envers une catégorie de personnes, et comporte donc les trois aspects de toute attitude (Deschamps et Beauvois, 1996) :

  • un aspect conatif (la prédisposition à agir d’une certaine façon envers les membres de la catégorie). Cet aspect peut s’exprimer sous la forme d’évitement des contacts avec le groupe dénigré ou de conduites violentes,
  • un aspect affectif (les réactions émotionnelles suscitées par l’évocation ou la présence des membres de la catégorie),
  • un aspect cognitif (les croyances du sujet relatives à cette catégorie et à ses membres). Ce dernier aspect correspond au stéréotype.

Certains chercheurs comme O. Klein, R.W. Liningston, M. Snyder, estiment que, du point de vue cognitif, il est naturel d’associer préjugés et stéréotypes (c’est-à-dire basés sur la catégorisation d’autrui au sein d’un groupe social), ils devraient être corrélés. Brigham (1971) suggère que le préjugé trouve sa source dans les stéréotypes : pour avoir des préjugés vis-à-vis d’un exogroupe, il faut percevoir celui-ci comme se différenciant de l’endogroupe sur un ensemble de traits. Allport (1954), au contraire, attribue un rôle moteur au préjugé, que le stéréotype se contenterait de rationaliser : pour justifier nos attitudes négatives vis-à-vis d’un groupe, on lui trouverait les traits qui permettent au mieux de rendre compte de notre désamour pour celui-ci. Bien qu’inversant les relations entre les deux concepts, ces deux approches concourent pourtant à suggérer qu’il existe une relation directe entre préjugé et utilisation de stéréotypes. Selon Tajfel, les processus cognitifs sur lesquels reposent les stéréotypes et les préjugés sont présents chez tout le monde – même s’ils ne s’expriment pas à travers les mêmes contenus chez tout le monde. Ainsi, tous les préjugés sont des stéréotypes, mais les stéréotypes ne sont pas tous des préjugés. En ce qui concerne leur rôle, comme écrit le sociologue et l’anthropologue C. Giordano (2008), « Les préjugés et les stéréotypes (positifs ou négatifs), constituent des instruments nécessaires pour s’orienter dans le monde social. Ils influencent et structurent constamment toutes les relations sociales et par conséquent également les relations interculturelles et interethniques 125  ».

Notes
124.

R. Y. Bourhis, J. – P. Leyens (1999) Stéréotypes, discrimination et relations intergroupes, Madaga, p. 336.

125.

C. Giordano L’insoutenable innocence de l’interculturel, p. 167in A. Gohard-Radenkovic, A. J. Akkari (2008) Coopération internationale : entre accommodements interculturels et utopies du changement, Paris, L’Harmattan.