4.3.1.Les stratégies d’acculturation de J. Berry

Le concept de stratégies d’acculturation a été élaboré par J. Berry dans les années 60 du XXème siècle. En gros, ce concept a trait aux préférences de la part des individus de groupes culturels non dominants dans leurs façons de s’identifier à leur propre culture et à celle des autres dans la vie quotidienne. Peu après, l’auteur a élargi le concept aux groupes dominants en incluant à la fois les politiques nationales et les préférences des membres de groupes dominants (Berry, 1994). Plus récemment, il a utilisé le concept de stratégie d’acculturation pour analyser dans quelle mesure les structures et les modes de fonctionnement des institutions s’adaptent à la réalité du pluralisme culturel dans une société donnée (Berry, 1996).

D’après Berry (1994), l’acculturation est un changement bidirectionnel d’identité résultant du contact entre des groupes ethniques (ou culturels) différents. Ces transformations de l’identité d’origine ont lieu dans le cadre d’une confrontation entre des codes culturels hétérogènes, occasionnant parfois des tensions internes (crise identitaire, remise en cause de soi …), mais aussi externes (conflits avec les représentants de la culture dominante ou avec les pairs). L’acculturation en pratique tend à entraîner plus de changement dans le groupe qui s’acculture. Selon la théorie de l’acculturation de Berry (Sabatier et Berry, 1994), les individus confrontés au contact interculturel se poseraient deux questions : est-ce important de maintenir son identité culturelle ? Est-ce important de promouvoir des relations positives avec l’exogroupe ? Les quatre combinaisons de réponses à ces questions produisent quatre orientations identitaires différentes :

  1. Lorsque que l’individu désire maintenir sa culture d’origine et en même temps acquérir une autre culture, cela caractérise une orientation d’intégration;
  2. Une orientation deséparationsignifie que l’individu désire maintenir sa culture mais rejette le contact interculturel avec la société d’accueil. Mais si cette absence de relation avec la société d’accueil est imposée par cette société elle-même, on parle plutôt, dans ce cas-là, de la « ségrégation ». C’est l’origine du choix (choix libre ou imposé) qui détermine ici la stratégie (séparation ou ségrégation) ;
  3. Un rejet de la culture d’origine combiné avec une attitude favorable envers le contact caractériserait une orientation d’assimilation à l’autre culture ;
  4. Enfin, s’il rejette sa propre culture et la culture dominante, il s’agit d’une orientation de marginalisation. Ce dernier cas ne constitue pas une orientation identitaire en tant que telle. Une orientation d’assimilation peut parfois mener à une identité marginale. C’est le cas lorsque l’individu qui se sépare de son groupe d’origine et tente de s’assimiler à une autre collectivité échoue parce qu’il est rejeté par celle-ciA. E. Azzi et O. Klein (1998) Psychologie sociale et relations intergroupes, Paris, Dunod, p. 81-82..
Tableau 2° : Quatre stratégies d’acculturation en rapport avec deux problématiques interculturelles (Berry, 2000)
Tableau 2° : Quatre stratégies d’acculturation en rapport avec deux problématiques interculturelles (Berry, 2000) J. Berry Acculturation et identité, p. 83 in J. Costa-Lascoux, M. –A. Hily, G. Vermès (2000) Pluralités des cultures et dynamiques identitaires, L’Harmattan, Paris.

Voici les quatre modalités d’acculturation de Berry. Cependant, ces modalités ne signifient pas que les groupes non dominants et leurs membres restent toujours en un point précis du tableau. Au cours du temps, ils peuvent changer ces stratégies. Mais ceci n’est pas toujours le cas. Le groupe dominant peut imposer certaines formes d’acculturation ou limiter les choix des groupes ou individus non dominants. Par exemple, l’intégration ne peut être choisie librement et assumée avec succès par des groupes non dominants qu’à condition que la majorité dominante soit ouverte et tolérante à l’égard de la diversité culturelle (Berry, 1991). Cette stratégie implique que les groupes dominants et non dominants reconnaissent le droit à tous les groupes d’afficher leurs différences culturelles dans la vie quotidienne. Ainsi, dans le modèle de Berry, l’adoption de la culture de la population d’accueil n’implique pas nécessairement l’abandon de sa culture d’origine. Elle implique la possibilité du biculturalisme ou du multiculturalisme au sein de l’individu.

Enfin, nous allons passer maintenant au concept d’interculturation qui résulte du contact des cultures.

Notes
166.

J. Berry Acculturation et identité, p. 83 in J. Costa-Lascoux, M. –A. Hily, G. Vermès (2000) Pluralités des cultures et dynamiques identitaires, L’Harmattan, Paris.