5.2.3.La création du Khanat kazakh sur la base de la Confédération tribale

Le XIVe siècle est caractérisé par l’affaiblissement de l’unité mongole et l’apparition de nouvelles structures étatiques. Ces nouveaux khanats (Etats) se faisaient sans cesse la guerre tout en pillant systématiquement les populations locales.Leur désintégration progressive a favorisé l’organisation tribale du khanat kazakh comprenant trois hordes divisées en tribus et affectées sur certains territoires. Ces groupes ont donné lieu aux trois hordes kazakhes actuelles (Jouzes) : la Grande Jouze (ou Aînée), la Moyenne et la Petite (ou Cadette). Le moment et le lieu exact du développement des hordes restent une question ouverte, bien que la plupart des spécialistes s’accordent aujourd’hui pour dire qu’elles sont apparues entre 1400 et 1500 (G. Andusz, W. Dressler, M. Taylor, in W. Dressler, 1999). Certains auteurs précisent même que l’existence du Khanat kazakh se situe dans une période entre 1465 et 1822 environ (X. Hallez, S. et A. Raïmbergenov,2002 ; C. Poujol, 2000). Sa création est le résultat d’une évolution politique et socio-économique et qui, après la conquête mongole, réunissait les territoires du Dacht-i-Kiptchak, du Semiretchié et de Transoxiane.

Chaque horde dominait un territoire, comprenant pâturages d’été et d’hiver. La horde aînée vivait dans le sud du Kazakhstan, depuis l’actuel Ouzbékistan et les rives du Syr-Darya, jusqu’aux hauts plateaux de la frontière chinoise. Actuellement, les ressortissants de la Grande Jouze, vivent au Sud du Kazakhstan où la plupart des Kazakhs sont concentrés. C’est aussi là que les liens avec la culture islamique sont les plus forts. La Horde Moyenne, la plus nombreuse, nomadisait dans le Kazakhstan central et oriental jusqu’à la Sibérie. La Horde Cadette se trouvait dans l’ouest du Kazakhstan, du désert du Kara-Kum aux monts Oural. Comme dans toutes les sociétés turques traditionnelles, les aînés ont toujours autorité sur les plus jeunes. La Horde Cadette était plus guerrière, la Horde Moyenne plus intellectuelle et la Horde Aînée était la détentrice du pouvoir. Cette différenciation était fortement ressentie et est toujours dans une certaine mesure présente surtout dans la vie politique. La division en hordes fut exprimée de manière caricaturale à la fin du XIXe siècle. Lors de son voyage courageux dans les steppes kazakhes, l’explorateur occidental F. De Rocca (1896) a remarqué dans ses récits : « …Malgré les changements que la conquête russe a apportés dans la vie sociale des Kirghiz, l’importance des anciennes tribus est encore considérable. La liste des 92 tribus ou branches Ouzbeg, ainsi s’appellent les Kirghiz, est répandue et connue dans tous les aouls »188. Les Jouzes ont joué un rôle historique important dans la formation générale des Kazakhs contemporains.

Le khanat kazakh était marqué par l’absence d’institutions étatiques, ce qui obligeait chaque khan à construire sa propre autorité et à réinventer un pouvoir face à des nomades peu enclin à se soumettre. Les fonctions du khan étaient essentiellement de régler les conflits entre les tribus et de mener les guerres. La popularité et donc la force d’un Khan dépendait de ses propres qualités. Il se devait d’être fort, courageux et fin stratège dans les combats, de manier la langue avec art pour les éviter et finalement de charmer les cœurs par son éloquence. Le khan était élu à la suite d’un haut fait, qui avait ému les Kazakhs189.

Notes
188.

F. De Rocca (1896) De l’Altaï à l’Amou-Daria, Paris, Ed. Paul Ollendorff, p. 182.

189.

X. Hallez, S. et A. Raïmbergenov(2002) Le chant des steppes. Musique et chant du Kazakhstan., Paris, Ed. du Layeur, p.6.