5.2.3.1.L’appartenance tribale, l’élément d’identité culturelle kazakhe

L’appartenance tribale est généralement connue chez les Kazakhs et joue un rôle important dans le fonctionnement de la société. Chez les Kazakhs, le système du tribalisme est rigoureux. Les Kazakhs sont exogamiques, ce qui est une exception en Asie centrale. Deux groupes (les « os blancs ») dominent un ensemble de tribus, clans ou sous-clans : ils se répartissent entre une aristocratie Tore (prétendant descendre de Gengis Khân) et les Kodja (« familles saintes de l’islam »), supposés d’origine arabe, mais kazakhophones, qui fournissent les mollahs. La masse (les « os noirs ») est organisée en tribus et clans, l’unité de base étant l’aoul, ensemble de « tentes » nomadisant de concert. Les aoul et les clans sont dirigés par des bay, qui sont à la fois les propriétaires plus riches que les autres et les notables à qui on reconnaît le pouvoir de représenter le groupe. Mais aucun de ces pouvoirs n’est acquis : aristocrates et bay doivent se faire admettre par les groupes qu’ils dirigent. La division en trois hordes ou jouz (petite, moyenne et grande) correspond à une réorganisation à la fois politique (chacune est dirigée par une branche des « os blancs », avec à sa tête un khân issu de l’aristocratie « gengiskhanide ») et économique (chaque horde s’organise sur un espace de transhumance)190.

Le système des castes a été bien décrit par F. De Rocca (1896) : « On en conclut que, chez les Kirghiz des steppes, la caste de l’os blanc doit être la postérité des conquérants, et celle de l’os noir la race des vaincus… L’os blanc n’appartient exclusivement à aucune des hordes kirghiz, et ne se subdivise pas en degrés ou races, comme toutes les tribus en général 191  ».  « …Chez les Kirghiz-Kazak, la tribu forme la base de tous les rapports sociaux, politiques et économiques. La tribu prend la défense de ses membres et répond de leurs actions. Elle paie le khoune 192 , elle exerce la vengeance. Pour venger un meurtre, il suffit de tuer un membre quelconque de la tribu étrangère, et non pas précisément l’assassin. La fiancée appartient à la tribu. L’hospitalité est offerte selon le degré de parenté. La parenté ou l’alliance remonte jusqu’au quarantième degré ». Cependant, comme remarque O. Roy, l’identité tribale n’est pas rigide mais mouvante parce que les clans et les tribus se remodèlent, se fondent, voire s’inventent des origines193.

Notes
190.

O.Roy (1997) La nouvelle Asie Centrale ou la fabrication des nations, Paris, Seuil, p.58-59.

191.

F. De Rocca (1896) De l’Altaï à l’Amou-Daria, Paris, Ed. Paul Ollendorff, p. 185.

192.

Voir le Lexique.

193.

O. Roy (1997) La nouvelle Asie Centrale ou la fabrication des nations, Paris, Seuil, p.59.