La colonisation russe a eu des conséquences aussi bien négatives que positives pour le peuple kazakh. Évidemment, l’administration tsariste n’avait pas pour but de développer et améliorer la vie du peuple kazakh. Elle défendait avant tout les intérêts de la Russie. Cependant, il faut reconnaître certains aspects positifs de l’influence russe sur la civilisation nomade kazakhe. D’une part, il est vrai que la politique coloniale effectuait la confiscation des terres kazakhes qui entraîna la paupérisation des nomades kazakhs. Le mode de vie nomade était lui-même menacé par la transformation de pâturages en champs cultivé et par l’impossibilité de plus en plus fréquente de mener les troupeaux d’un pâturage à l’autre et d’utiliser les points d’eau. Une large partie de la population se retrouva sans bétail et sans terres. L’espace de nomadisation vola ainsi en éclat. La colonisation paysanne, majoritairement russe, sur les terres kazakhes détruisit un équilibre déjà fragilisé par la corruption tant de l’administration tsariste que des chefs tribaux et baï kazakhs sur lesquels elle s’appuyait. En outre, la politique de la russification imposait la culture russe et inspirait la supériorité des Russes face aux Kazakhs et à leur culture considérée comme inférieure.
D’autre part, ce rattachement colonial et puis la division administrative a fait cesser les guerres sanglantes féodales entre les clans et tribus kazakhes. La colonisation russe a permis de faire entrer la société kazakhe dans la modernité grâce à l’industrialisation. Les Russes ont apporté des technologies et des biens de consommation non- alimentaires. Au fur et à mesure, l'industrie locale se développa aussi. A partir des années 80 du XIXe siècle, la Russie commence à construire des chemins de fer, des routes avec mise en place d’industries lourdes et minières sur le territoire kazakh. Les cultures de l'empire russe s’enrichissaient réciproquement. Déjà dans les années 60 du XIXe siècle, les premières écoles russo-kazakhes s’ouvraient ce qui a contribué au développement de nouvelles élites, formées dans ces écoles. Cette nouvelle élite kazakhe, recrutée dans des familles aristocratiques, naquit sous l’influence de la Russie. Leurs réflexions sur la place de leur peuple et de leur civilisation dans le monde moderne les ont incités à la nécessité de réformes profondes dans la société. Ils développèrent l’idée d’une nation kazakhe fortement influencée par l’orientalisme russe211. Pour les Kazakhs, la connaissance de l'importance de sa propre culture par l'initiation aux acquisitions de la civilisation russe et mondiale était le résultat de telle coopération.
X. Hallez, S. et A. Raïmbergenov(2002) Le chant des steppes. Musique et chant du Kazakhstan., Paris, Ed. du Layeur, p. 8.