5.2.5.La soviétisation et le découpage territorial

Au moment de la révolution socialiste d’Octobre en 1917, le peuple kazakh n’avait pas un territoire clairement défini, permettant de revendiquer le statut de nation. A l’époque du tsarisme, les territoires des pays actuels d’Asie centrale : Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Turkménistan et Tadjikistan constituaient une région, nommée le Turkestan russe. Ce n’est qu’après la mort de Lénine le 21 janvier 1924, que le 14 octobre la décision est prise de diviser l’Asie centrale en unités nationales, ce qu’on a appelé « la Grande démarcation territoriale212 ». En fait, la politique nationale soviétique suivait le principe « une ethnie – un territoire ». Il s’agissait d’attribuer une république à chaque « grande nationalité », idée difficilement réalisable en Asie centrale, en raison du brassage ethnique de la population. D’après cette démarcation, l’URSS représente désormais une union entre la République fédérative socialiste soviétique de Russie, les « Républiques socialistes soviétiques » et les républiques autonomes, les régions autonomes et les territoires nationaux. Le Kazakhstan, tout d’abord, a obtenu, le 26 août 1920, le statut d’une République autonome. Celle-ci fut transformée en République socialiste soviétique autonome kazakhe en 1925 puis, en 1936, en République socialiste soviétique du Kazakhstan fédérée à l’URSS, avant de devenir le 5 décembre 1936 plus simplement la République socialiste soviétique du Kazakhstan. Le soviet de la république est tenu par d’anciens membres du parti kazakh Alash-Orda 213et le kazakh est admis comme langue administrative en 1923. Les frontières de la république ne changèrent plus de manière importante après 1925. C’est dans ce cadre territorial que le Kazakhstan accédera à l’indépendance en 1991.

Ainsi, la soviétisation a changé la carte d’Asie centrale. Toutes les républiques de la région devenues aujourd’hui indépendantes, ont été formées grâce à la division administrative soviétique de 1924. Comme écrit O. Roy (1997) « …C’est la seule fois où la puissance coloniale a forgé non seulement des pays, mais aussi des langues et des histoires nationales, voire un folklore et une littérature »214. Ainsi, le découpage administratif de 1924 a engendré de nouvelles identités dans la région et s’est vu doté ensuite d’une expression culturelle (langue, littérature), d’une formulation scientifique (histoire, ethnographie, archéologie) et enfin d’une réalité sociologique (élites, différentiation et compétions sociales dans le cadre des nouvelles républiques).

Notes
212.

C. Poujol (2000) Le Kazakhstan, Paris, PUF, p. 42.

213.

Voir le Lexique.

214.

O.Roy (1997) La nouvelle Asie Centrale ou la fabrication des nations, Paris, Seuil, p.107.