5.2.5.3.La réalisation des grands projets stratégiques au Kazakhstan : De la campagne « Terres vierges » à l’industrialisation du pays 

En 1954, après la mort de J. Staline, son successeur N. Krouchtchev propose un plan de mise en valeur des terres vierges pour redresser l’agriculture. Il lança la campagne «Terres vierges et inoccupées» afin d’accroître rapidement la superficie de terres ensemencées en Sibérie occidentale et au nord du Kazakhstan. Environ deux millions de volontaires, la plupart d'origine russe, viennent s'établir dans cette dernière région pour prendre part au défrichement des 25 millions d’hectares. Comme écrivait H. Carrère d’Encausse (1990), la politique de Khrouchtchev à l’égard du Kazakhstan ne tient aucun compte des susceptibilités nationales. En 1962, les Kazakhs ne constituent plus que 29% de la population totale du Kazakhstan223. On peut donc constater que durant la période soviétique, la poursuite de l’immigration russe et l’industrialisation dans le cadre de l’économie planifiée de l’URSS ont eu pour effet de rendre la population kazakh minoritaire sur son territoire.En même temps, le Kazakhstan devint une place forte militaire et nucléaire (quatrième puissance atomique de l’ex-URSS). C’est au Kazakhstan que se déroulèrent la majeure partie des essais nucléaires soviétiques, effectués entre 1948 et 1989 dans l'est de la république, notamment dans les environs de la ville de Semipalatinsk. Enfin, c'est aussi au Kazakhstan qu'a été inauguré le 2 février 1955 le cosmodrome de Baïkonour. Conçu au départ comme une simple base de tests pour missiles balistiques, il deviendra ensuite mondialement connu comme la piste de lancement de la fusée Vostok dans laquelle Youri Gagarine accomplira le premier vol d'un homme dans l'espace (12 avril 1961).

En même temps, les années 50-60 sont caractérisées par le développement de l’intelligentsia nationale kazakhe dans le domaine de l’éducation, de la culture et des sciences. Sous le régime soviétique, le Kazakhstan connut un développement économique important et les nouvelles générations kazakhes de l’après-guerre furent très largement formées dans le système éducatif à l’instar des autres nationalités de l’URSS. La littérature kazakhe soviétique connaît aussi une période d’épanouissement, tout comme les autres domaines des sciences et de la culture, en particulier le cinéma, la musique, la poésie et le théâtre. De 1945 à 1957, les établissements supérieurs du Kazakhstan ont formé 43 500 spécialistes dont 16 500 Kazakhs. Entre 1960 et 1977, le nombre de Kazakhs ayant reçu une formation supérieure ou secondaire spécialisée est multiplié par 5, passant de 65 000 à 315 000 personnes (2 fois moins que les spécialistes russes formés à la même date)224. A partir des années 60, le Kazakhstan devient l’une des régions les plus industrialisées de l’USSR. Le nombre d’ouvriers augmente et atteint à 30% de la population totale en 1985.

Depuis la Perestroïka, la conscience nationale kazakhe s’accroît, d’ailleurs, comme dans toutes les républiques soviétiques. Elle se manifeste par l’affirmation identitaire de l’ethnie titulaire au sein de chaque république. En 1986, M. Gorbatchev, étant au pouvoir du parti communiste (PC), a pris la décision de remplacer le chef du PC kazakh D. Kounaev, d’origine kazakhe par G. Kolbin, d’origine russe. D. Kounaev avait dirigé le Kazakhstan depuis 1964 et l’annonce de son remplacement par le Russe Kolbin déclenche les émeutes d’Alma-Ata de décembre 1986. Le 17 décembre 1986, les étudiants kazakhs sont sortis dans les rues pour protester contre la nomination de G. Kolbin à la tête de la république. Cette révolte nommée « les événements de décembre » a été violemment réprimée par la police sur ordre du pouvoir central de Moscou. Après l'indépendance, ces événements, dits de Jeltoqsan (« décembre » en kazakh), sont devenus le symbole de la renaissance nationale kazakhe.

Notes
223.

C. Poujol (2000) Le Kazakhstan, Paris, PUF, p. 70.

224.

C. Poujol (2000) Le Kazakhstan, Paris, PUF, p. 72.