6.2.1.L’enracinement de l’islam au Kazakhstan

L’islam arrive en Asie centrale dans la deuxième moitié de VIIe siècle grâce à l'activité des missionnaires des pays arabes. Au début, l’islam se propagea et s’implanta par la force. L’attitude négative de la population autochtone à l’égard de cette religion a fait changer le comportement du clergé musulman qui est devenu plus tolérant face aux croyances préislamiques et aux traditions locales. Au résultat, les rituels musulmans ont incorporé les éléments des croyances locales.

Après le rattachement du Kazakhstan à la Russie, le tsarisme tenta de répandre le christianisme parmi la population autochtone, mais sans succès. C'est pourquoi à partir de la fin XVIIIe – les débuts XIXe siècles, il a commencé activement à soutenir l'islam. Au Kazakhstan l’administration russe envoyait des mollahs formés, essentiellement des Tatars et des Bachkirs237. Ainsi, Catherine II (qui règna de 1762 à 1796) inaugura une politique de collaboration avec l’islam qui reposait sur deux considérations : la nécessité du contrôle de la sphère religieuse par l’Etat mais aussi une nouvelle approche stratégique des relations avec le monde musulman. Enfin, au moment où la Russie pénètra les steppes kazakhes, il apparut plus avisé à l’impératrice de « civiliser » les nomades par l’intermédiaire des marchands et des mollahs tatars, déjà bien russifiés et bénéficiant de réseaux et d’établissements le long des voies commerciales allant vers la Chine. Bref, Catherine II offre aux musulmans un compromis historique : un statut en échange de leur loyauté. Concrètement, cette politique se traduit par un acte de tolérance du saint-synode envers les autres religions (1773), par un droit de passage pour les sunnites d’Asie centrale désireux d’aller à la Mecque en évitant l’Iran chiite et hostile, par l’encouragement donné aux mollahs tatars d’islamiser les Kazakhs, et la réouverture des écoles coraniques. L’enseignement religieux en kazakh est autorisé en 1905. Le droit coutumier et les tribunaux chariatiques continuaient d’organiser la vie des indigènes au Turkestan russe jusqu’à la période bolchevique.

Après l'établissement du pouvoir soviétique au Kazakhstan, le clergé islamique, comme ceux des autres religions, était illégalement frappé d'une sanction, plusieurs mosquées étaient fermées et détruites.La répression contre l’islam fut très sévère à partir de 1927.

La Direction spirituelle des Musulmans du Kazakhstan (DUMKaz) a été créée en 1990 selon la volonté des autorités pour rompre avec celle de Tachkent, instaurée sous Staline. Elle a élaboré le programme de la renaissance de l'islam, la construction de mosquées, l'ouverture d’écoles islamiques au Kazakhstan. Depuis l’indépendance, l’islam retrouve sa place qui avait été effacée pendant la période soviétique. Cependant, comme écrit F. Vielmini (2001), il existe un clivage important entre les Kazakhs, peuple du monde musulman ex-soviétique le plus éloigné de la rigidité de l’islam, et leurs voisins méridionaux. Si, pour une partie de la population kazakhe, la pratique religieuse est en progression, en revanche les couches urbaines refusent de s’identifier aux musulmans du monde arabe et craignent au contraire d’être assimilés à cette aire culturelle.

Notes
237.

V. Ivanov, Â. Trofimov (2003) Les religions au Kazakhstan (en russe), Almaty, Arkaim, p.31.