6.3.La politique linguistique au pays : de la russification à la kazakhisation

A l’époque soviétique, le Kazakhstan était la république d’Asie centrale où le bilinguisme chez le peuple éponyme était le plus développé (41%)252. Actuellement, le kazakh fonctionne comme langue unique de l’Etat et son rôle s’accroît au niveau officiel alors que le russe a seulement le statut de langue de communication interethnique mais qui domine dans la plupart des régions du pays. Selon les données du recensement national de 1999, 84,75% de la population totale du Kazakhstan parlait le russe soit 12 673 393 habitants dont 5 985 532 des Kazakhs (75%) et seulement 14,9% des Russes connaissaient le kazakh253. D’après l’autre source, plus de 60% des Kazakhs affirmaient parler couramment russe alors que les Russes ne parlaient kazakh qu’à 0,8%254.

Nous constatons que malgré le développement de la langue kazakhe, le russe continue à jouer le rôle de langue principale dans la communication inter- et intra-ethnique au Kazakhstan. Ce fait s’explique par la politique de russification menée depuis l’époque du tsarisme et surtout pendant la période soviétique. Au Kazakhstan, cette politique portait le caractère le plus exprimé : l'ethnie kazakhe vers le début des années 90 était le plus  « soviétisée en l'URSS ». Comment on peut caractériser cette politique ? La russification est définie comme l'adoption de la langue russe et/ou d'autres éléments de la culture russe (que cette adoption soit spontanée, volontaire ou imposée) par une communauté non russe. Dans un contexte historique, le terme fait référence aux politiques tant officielles que non officielles de la Russie impériale et de l'Union soviétique à l'égard des différentes nations et minorités nationales qui les composaient, afin d'asseoir la domination russe. Les principaux domaines d'application des politiques de russification sont, justement, la politique, ainsi que la culture. En politique, un des éléments de russification est la nomination de Russes aux postes clés de l'administration des institutions nationales. Il faut dire que pendant la période soviétique au Kazakhstan seulement trois dirigeants sur dix-huit furent Kazakhs. Dans le domaine de la culture, la russification passent d'abord par la domination du russe dans les échanges officiels, et sa prise d'ascendance sur les autres langues nationales. Les changements démographiques, avec notamment l'arrivée massive de populations russes (colonisation…) sont considérés également comme des formes de russification255. Tous ces éléments de la russification étaient présents au Kazakhstan.

Notes
252.

M. Laruelle, S. Peyrousse (2004), p. 104.

253.

O. B. Altynbekova (2006) Les processus ethnolinguistiques au Kazakhstan (en russe), Almaty, Ed. Economika, p. 116.

254.

M. Laruelle, S. Peyrousse (2004) Les Russes du Kazakhstan. Identités nationales et nouveaux Etats dans l’espace post-soviétique, Paris, Maisonneuve & Larose/IFEAC, p. 104.

255.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Russification