7.5.Difficultés du travail sur le terrain

La passation du questionnaire n’a pas posé de problèmes, ni pour nous ni pour les enquêtés. Pratiquement tous les jeunes lycéens et étudiants ont été favorables à cette enquête. Leur motivation à remplir le questionnaire est variable suivant les individus. Pour la majorité absolue, le sujet du questionnaire ainsi que les questions posées étaient considérées comme importantes et intéressantes. Certains d’entre eux ont donné leurs commentaires écrits sur le contenu du questionnaire et sur le sujet de recherche, ou même ont laissé leurs critiques ou remarques en marge envers telle ou telle question. Pour quelques-uns, la procédure de remplissage du questionnaire a été considérée comme un moyen d’exprimer leurs émotions négatives tout en restant anonymes, c’est-à-dire comme une sorte de projection de la violence. Leur animosité envers, par exemple, le peuple kazakh, s’est projetée aussi sur l’enquêteur. Cette antipathie s’exprimait sous forme d’insultes, de gros mots dans leurs réponses, souvent sans aucun lien avec les questions posées.

Etant donné que la problématique de recherche revêt une certaine importance pour la sécurité nationale du Kazakhstan, notre présence active était toujours nécessaire pour assurer les jeunes de l’intérêt purement scientifique de cette recherche ; ainsi, nous avons mis l’accent sur la confidentialité de nos résultats.

Une autre étape difficile de ce travail fut le codage des Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS) et des niveaux de diplômes. Partant d’un cadre de références français, il a fallu établir des correspondances avec la société kazakhe. Ceci a posé un certain nombre d’interrogations pour certaines catégories sans équivalents au Kazakhstan. Par exemple, 3 années d’études universitaires, mais sans diplôme final, sont reconnues sur un plan professionnel comme « diplôme d’études supérieures non-achevées ». Cette catégorie existe à côté de celle reconnue des études supérieures avec diplôme. En fait, il a fallu adapter la codification de départ et en construire une nouvelle, claire et compréhensible, non seulement pour les enquêtés au Kazakhstan, mais aussi pour l’analyse des données en France.

En ce qui concerne les difficultés liées aux entretiens, la démarche la plus difficile fut d’organiser les entrevues avec les jeunes dans le local en ville. C’était plutôt l’aspect organisationnel qui posait problème pour cette étape du travail. Nous avons contacté les jeunes qui avaient laissé leur numéro de téléphone dans le questionnaire en vue de passer l’entretien. Si leurs parents décrochaient le téléphone, nous nous présentions comme un sociologue, et non un psychologue, voulant parler avec leur enfant sur des sujets tels que la construction identitaire, les relations interethniques et l’identité nationale. Nous n’avons pas voulu nous présenter comme psychologue en raison des préjugés existant malheureusement encore dans la société kazakhstanaise vis-à-vis de cette profession. Pour beaucoup de personnes, la psychologie est liée encore uniquement aux problèmes psychiques de l’individu, ou à la psychiatrie, discréditée pendant l’époque soviétique du fait de sa participation dans la « lutte contre les non-conformistes » et des enfermements psychiatriques abusifs. Certains parents, pour des raisons de sécurité, n’ont pas autorisé la venue de leurs enfants dans le local, mais ont proposé d’effectuer l’entretien dans l’établissement scolaire.