Maintenant, nous allons procéder à l’analyse des réponses du groupe « Russes ». La majorité des interrogés sont fiers d’être citoyens du Kazakhstan (65,6%) mais leur nombre est inférieur à celui des Kazakhs (91,6%). Par contre, le nombre de réponses négatives dans ce groupe est beaucoup plus élevé (9,7%) que chez les enquêtés d’origine kazakhe (1,1%). Remarquons le pourcentage de la réponse « Ne sait pas » : celui des Kazakhs (6,3%) est inférieur à celui des Russes (24,7%).
La différence avec la répartition de référence est très significative. chi2 = 93,42, ddl = 2, 1-p = >99,99%.
Le chi2 est calculé avec des effectifs théoriques égaux pour chaque modalité.
Ce tableau est construit sur la strate de population russe contenant 186 observations et définie par le filtrage suivant : origine ethnique = "russe".
Pour voir le caractère des explications selon chaque type des réponses, nous les avons structurées selon les sujets thématiques. Tout d’abord, nous analysons les réponses affirmatives à la question ci-dessus. Ici nous avons synthétisés les expressions des enquêtés qui parlent de la fierté d’être citoyen du Kazakhstan :
‘« Je suis très fière de notre République et d'être sa citoyenne ». F., 21 ans.’Les jeunes expriment leur amour du Kazakhstan, l’optimisme et la fierté du pays qui se développe bien économiquement. Ils montrent leur volonté de participer à la construction du pays :
‘« Le Kazakhstan est un pays se développant progressivement, qui a traversé un passage difficile et je suis fier de mon pays puisque le niveau de vie s'élève ». H., 21 ans.L’identification au Kazakhstan se manifeste dans les déclarations qui expriment le patriotisme et la volonté de défendre la patrie en cas de nécessité :
‘« Je me considère comme patriote parce que si quelqu'un insulte mon pays, je me sens insulté personnellement ». H., 20 ans.La stabilité politique, le développement économique et le niveau de vie satisfaisant par rapport aux pays voisins justifient la fierté d’être citoyen du Kazakhstan. Pour les enquêtés d’origine russe, l’amélioration de l’image du Kazakhstan à l’extérieur se répercute sur la valorisation de leur propre identité et leur confort psychologique de vivre au Kazakhstan. Ainsi, la fierté d’être citoyen s’explique par l’image positive du pays. Elle se base sur les facteurs cités le plus souvent, la stabilité politique et le développement économique :
‘« Oui, je suis fier d'habiter au Kazakhstan, c'est un pays qui se développe et je me sens bien ici ». H., 17 ans.Pour les jeunes russes, la situation socio-économique favorable donne de bonnes perspectives pour l’avenir de ce pays. La croissance économique permet de croire au progrès et à la prospérité :
‘« Bientôt, le Kazakhstan deviendra un Etat puissant, et avec lui ses citoyens aussi ». H., 17 ans.Les réponses négatives à cette question (9,7%) concernent différents aspects. Pour une partie des enquêtés russes, la fierté d’être citoyen du Kazakhstan doit être liée à la bonne image du pays dans le monde. Le Kazakhstan est un État indépendant qui n’est pas assez connu à l’extérieur ; cela ne donne aucune raison à ces enquêtés d’être fier de leur citoyenneté ; le pays présente une image moins bonne que celle des pays développés. Nous avons appelé cet aspect l’image négative du pays et le manque de prestige international :
‘« A mon avis, le prestige du Kazakhstan dans le monde est peu élevé. On classe le Kazakhstan au niveau des pays de qualité inférieure ». H., 21 ans.La disparition de l’Union Soviétique, qui a fait perdre aux Russes leur position dominante au Kazakhstan, a éveillé chez eux un sentiment négatif à l’égard de la nouvelle citoyenneté. Le regret d’avoir perdu leur statut supérieur dans la société s’exprime dans cette réponse à la question « Etes-vous fier d’être citoyen du Kazakhstan ? » :
‘« Après la dissolution de l'URSS je ne pense pas comme ça ». H., 21 ans.’Les autres enquêtés russes ne sont pas fiers d’être le citoyens parce qu’ils ne voient pas leur avenir dans ce pays et projettent de quitter le Kazakhstan pour rejoindre leur Patrie « historique »:
‘« Bientôt je serai Russe ». H., 21 ans.Les Russes critiquent le système clanique et ethnocratique du Kazakhstan, car les Kazakhs, membres de « l’ethnie titulaire » ont plus de chances de réussir. Etant Russes, certains jeunes ne se sentent pas intégrés dans ce système de relations ; c’est pourquoi ils n’ont pas de sentiments patriotiques à ce pays. Les jeunes pensent qu’en Russie ils seront plus à l’aise : « Je n'ai aucun parent d'origine kazakhe, alors que je crois que c'est essentiel dans notre pays». F., 18 ans.
‘« Vu que je suis Russe, j'aimerais que ma Patrie soit la Russie ». F., 20 ans.’La discrimination dans la vie quotidiennene favorise pas non plus le sentiment de fierté de la citoyenneté kazakhstanaise : « Les Russes deviennent opprimés. Un exemple simple ; les relations dans les transports en commun ». F., 21 ans.
La faible politique sociale, la bureaucratie, sont citéesdans ces réponses négatives. Souvent, les actions du gouvernement destinées à améliorer la vie des citoyens se limitent à des déclarations. Beaucoup de citoyens ne profitent pas des richesses du pays qui, selon la Constitution, « appartiennent au peuple ». Les étudiants remarquent que le soutien de l’Etat n’est pas suffisant pour satisfaire leurs besoins. Ainsi, les problèmes sociaux, la discrimination, l’absence de sécurité sociale pour les jeunes engendrent une attitude négative envers la citoyenneté :
‘« Dans notre pays, quand on fait quelque chose pour les gens, cela ressemble en général à "jeter de la poudre aux yeux". Dans les situations concrètes, tout se heurte à la machine bureaucratique qui écrase les gens comme des fourmis ». H., 20 ans.L’inégalité sociale (écart entre riches et pauvres) ne donne pas de raisons d’être fier de la citoyenneté du Kazakhstan : « Il y a une tendance à montrer son argent en public. Autrement dit, il y a la prédominance évidente des riches sur les pauvres. Les gens sont agressifs et malveillants entre eux». F., 20 ans.
La réponse de type « Ne sait pas » (24,7%) a été choisie par 46 interrogés d’origine russe. En majorité, leurs explications montrent leur indifférence à cette question surtout parce que certains enquêtés russes sont citoyens d’un autre pays :
‘« Bien sûr, j'aime beaucoup ma patrie mais je ne suis pas fier d'être "Kazakhstanais" ». H., 20 ans.L’insatisfaction causée par le niveau économique du Kazakhstan éveille chez les jeunes russes l’envie d’émigrer dans un autre pays où les conditions de vie seraient plus confortables. Ils ne sont donc pas attachés au Kazakhstan ; c’est pourquoi ils choisissent la réponse neutre :
‘« Mon rêve c'est de partir en Allemagne c'est pourquoi je ne sais pas s’il faut d'être fière ou non. Je ne vois pas l'essor de notre pays, de notre région en particulier ». F., 20 ans.La variation selon les situations et la contradiction des sentiments pour répondre à cette question constituent une catégorie particulière. En fait, les événements positifs dans la République (les victoires sportives, par exemple) éveillent un sentiment de fierté mais les côtés négatifs dans la société mettent en doute ce sentiment :
‘« Au fond, je suis sincèrement reconnaissante à ce pays où je grandis et qui m’élève, qui me donne la possibilité de vivre paisiblement et de me développer. Mais ici il y a aussi beaucoup d’éléments contraires qui me font douter de mes sentiments ». F., 20 ans.Synthèse des résultats
Malgré une majorité de réponses affirmatives des Russes à la question « Êtes-vous fier d’être citoyen du Kazakhstan ? », leur pourcentage est inférieur à celui des Kazakhs. Le taux élevé de la réponse « Ne sait pas » s’explique par l’incertitude des enquêtés russes sur leur avenir au Kazakhstan, d’où les projets d’émigrer soit dans leur « patrie historique », la Russie, soit dans des pays étrangers où le niveau économique et la stabilité politique sont plus assurés. L’attachement au Kazakhstan se manifeste plutôt par le fait d’être né dans ce pays et par la sympathie envers le président Nazarbaev qui reste le seul garant de la stabilité politique actuelle et du développement économique du pays.
Comme nous l’avons déjà vu, le simple fait d’être citoyen du pays ne garantit pas le sentiment de patriotisme. Les problèmes sociaux, la discrimination sur le marché du travail et dans la vie quotidienne, la faible protection sociale de l’État engendrent chez les jeunes russes une attitude négative ou indifférente à l’égard de leur citoyenneté.
La monnaie nationale. 7000 tengués est équivalent la somme 40 euros.