10.1.2.L’analyse des résultats du groupe « Russes »

A la différence des Kazakhs, seulement 29% des Russes estiment que les relations interethniques sont amicales dans la république du Kazakhstan, 28,5% qu’elles sont variables selon les situations et 14,5% qu’elles sont faciles. Pour 13,4% des interrogés russes, les relations interethniques ont un caractère neutre. 9,7% les trouvent tendues et seulement 3,2% qu’elles sont négatives.

Tableau 55°. Estimation du caractère des relations interethniques au Kazakhstan. Données du groupe « Russes »
Tableau 55°. Estimation du caractère des relations interethniques au Kazakhstan. Données du groupe « Russes »

La différence avec la répartition de référence est très significative. Chi2 = 174,19, ddl = 8, 1-p = >99,99%.

Le chi2 est calculé avec des effectifs théoriques égaux pour chaque modalité.

Ce tableau est construit sur la strate de population russe contenant 186 observations et définie par le filtrage suivant : origine ethnique = « russe ».

Graphique n° 23 : Estimation des relations interethniques au pays. Groupe « Russes ».
Graphique n° 23 : Estimation des relations interethniques au pays. Groupe « Russes ».

Les jeunes russes, comme les Kazakhs, soulignent le caractère amical des relations interethniques au Kazakhstan où plus de 100 ethnies vivent en paix. Cet argument est le plus cité:

‘« Au Kazakhstan habitent plus d’une centaine d’ethnies et tous les jeunes sont unis pour un but commun - construire l'avenir radieux, vivre en paix et en accord ». F., 20 ans.
« Le Kazakhstan est un pays multiethnique. Il y a beaucoup de gens qui sont nés ici et ont grandi ensemble. Chaque ethnie a ses avantages ». F., 22 ans.
« Parce qu'au Kazakhstan habitent des gens d'origines différentes et que, malgré cela, ils s’unissent, ils font leurs études, ils travaillent ensemble ». F., 20 ans.’

Cependant, pour les enquêtés russes, le caractère des relations interethniques dépend de la politique gouvernementale. L’accord interethnique résulte de la politique du président Nursultan Nazarbaev qui a de l’autorité et demeure le seul garant de la stabilité du pays :

‘« Je crois que le Kazakhstan est une république unie, où vivent beaucoup d’ethnies différentes. Nous avons de telles relations grâce à notre président ». F., 21 ans.’

L’absence de conflits est un autre argument :

‘« Les relations sont assez bonnes, il n'y a pas de conflits, du moins je ne les vois pas. H., 22 ans.
Il n'y a pas d'hostilité ». H., 16 ans.
« Dans notre pays il n'y a pas de conflits entre les représentants des différents groupes ethniques ». F., 21 ans.
« Je n'ai jamais vu de conflits ». H., 20 ans.’

Les jeunes mettent en avant l’absence de conflits dans leur milieu personnel et des relations tolérantes avec leurs amis d’origines différentes

‘« Dans mon milieu j'ai des gens d'origines différentes et je vois que les relations sont amicales entre eux». F., 22 ans.
« Depuis mon enfance, j'ai des amis d'origine kazakhe. Les amis d'autres origines sont en minorité ». H., 21 ans.
« Parce que je suis un bon exemple. J'ai beaucoup d'amis et de copains d'origines différentes ». H., 20 ans.’

Bien qu’ils reconnaissent le caractère amical des relations interethniques au Kazakhstan, les interrogés russes parlent de l’existence de discrimination envers les Russes et les autres minorités. L’inégalité se manifeste dans le recrutement, où les Kazakhs sont privilégiés. Les postes libres sont attribués aux Kazakhs :

‘« Je suis liée avec des gens de nationalités différentes. Il faut reconnaître que les relations sont très amicales. Mais, en ce qui concerne le recrutement, il est plus difficile  pour les Russes de trouver un travail». F., 20 ans.
« La relation préconçue, le nationalisme influent parfois et même souvent sur les relations entre les jeunes ». F., 19 ans.
« Parce que, quelquefois mais pas toujours, quand tu choisis ton lieu de travail, tu te trouves en situation de compétition du fait que tu es Russe ». F., 20 ans.’

Comme les enquêtés kazakhs, les jeunes russes comparent avec les autres pays ; ils constatent que, dans les pays voisins, les relations sont plus difficiles et souvent conflictuelles :

‘« Par rapport aux autres pays, nous vivons en bonne harmonie et nous n'avons pas de conflits interethniques.». F., 20 ans.
« Si on compare avec la Russie, chez nous les relations interethniques sont plutôt amicales ». F., 20 ans.’

L’autre type de relations, appelées « variables selon la situation », caractérisent des rapports dépendant de la situation concrète. Les enquêtés russes pensent qu’un conflit entre deux jeunes peut devenir « ethnique » s’ils appartiennent à des groupes différents. Cette probabilité se renforce lorsqu’il y a compétition entre eux :

‘« Au déclenchement d'un conflit, les relations peuvent changer, là il peut y avoir une animosité ». F., 21 ans.
« Dans certains cas, les gens se comportent différemment ; si tu es ami avec quelqu'un d’une autre origine, au mauvais moment surgissent les appartenances raciales ». H., 21 ans.
« Je crois que les relations interethniques au Kazakhstan actuellement varient en fonction de la situation. Par exemple, s'il y a un conflit, les gens commencent à utiliser des mots blessants à l'adresse de n'importe quelle ethnie ». F., 16 ans.
«  si les situations deviennent tendues, l'attitude change à l'égard de telle ou telle ethnie ». F., 20 ans.’

Les enquêtés russes considérant les relations interethniques au Kazakhstan comme faciles,  précisentque qu’elles ne sont pas conflictuelles maispas très amicales non plus :

‘« Il n'y a pas d'hostilité, mais il n'y a pas trop d'amitié non plus ». H., 17 ans.
« Il n'y a pas des conflits forts mais on ne peut pas dire que les relations sont amicales ». F., 20 ans.
« Je n'ai pas vu de manifestations négatives ». F., 31 ans.’

Les autres Russes qualifient les relations de faciles parce qu’elles sont calmes, mais elles cachent une tension entre les jeunes sans qu’il y ait de conflit ouvert. Malgré l’entente, il existe une opposition latente entre les Kazakhs et les Russes :

‘« Il n'y a pas des conflits ouverts mais parfois on sent la tension entre les jeunes d'origines ethniques différentes (surtout russe et kazakhe) ». F., 21 ans.
« Il y a quand même la barrière. Il arrive que les groupes de Kazakhs n'admettent pas les Russes ». H., 21 ans.
« J'entends très rarement parler de conflits interethniques. Mais je vois souvent qu’ils pourraient avoir lieu ». F., 15 ans.’

Les Russes perçoivent cette tension en observant l’attitude des Kazakhs dans la vie quotidienne, par exemple dans les transports en commun : « L'attitude de la population kazakhe n'est pas toujours positive ; en bus un garçon kazakh cède plutôt sa place à une dame âgée kazakhe qu’à une dame russe ». H., 18 ans.

Les autres jeunes enquêtés pensent que la manifestation du nationalismetémoigne du caractère tendu des relations interethniques. Certains Russes reconnaissent l’existence d’un nationalisme, aussi bien russe que kazakh. Mais la majorité accuse plutôt les Kazakhs :

‘« Il y a beaucoup de discriminations de la part des Kazakhes comme des Russes ». H., 17 ans.
« Bien qu'au Kazakhstan il n'y ait pas de guerres interethniques, d’attentats etc., parmi les jeunes il y a souvent des phénomènes de nationalisme ». F., 20 ans.
« Chaque ethnie tente de prouver qu'elle est la meilleure. L'ethnie kazakhe prédomine au Kazakhstan : elle usurpe tout et cela aboutit à des conflits ». F., 20 ans.
« Chez nous le nationalisme se développe, cela vient des jeunes qui sont majoritaires (les Kazakhs) ». F., 17 ans.’

Le départ massif des minorités ethniques plutôt européennes est, selon l’opinion de ces Russes, la conséquence de la discrimination. A leur avis, les Kazakhs ont l’intention de faire partir du pays les ethnies non-titulaires pour devenir l’ethnie majoritaire :

‘« Les hommes d'autres origines quittent le Kazakhstan, ils [les Kazakhs, J.A.] deviennent nombreux, et ils s’en trouvent bien. ». H., 21 ans.
« Puisque les situations indiquant évidemment la discrimination de la race européenne arrivent constamment ». F., 18 ans.’

Les enquêtés russes constatent que la séparation ethnique entre les Russes et les Kazakhs empêche l’intégration de la nation :

‘« La jeunesse est séparée en groupes : les Russes, les Kazakhs (la plupart!) ». F., 20 ans.
« Nous avons une séparation par l'appartenance ethnique ». H., 21 ans.’

Leurs arguments se fondent aussi sur l’observation personnelle ou l’expérience vécue dans la vie quotidienne :

‘« Parce que c'est visible selon les actes des jeunes hommes ». F., 16 ans.
« J'étais dans des situations difficiles ». H., 20 ans.’

Certains enquêtés russes qualifient les relations interethniques de neutres et soulignent leur caractère personnel, indépendant de l’origine ethnique. Pour les autres, les rapports entre Russes et Kazakhs se passent dans une atmosphère de coopération et de cohabitation mais sans affection entre eux. Les Russes sont unanimes pour indiquer que ces relations sont pacifiques :

‘« Ces relations ne sont ni mauvaises et ni bonnes, elles dépendent seulement de la conduite concrète de n'importe quelle personne ». H., 20 ans.
« Les Kazakhs et les Russes vivent ensemble, travaillent, coopèrent mais sans amour spécial entre eux ». F., 20 ans.
« Pour le moment, il n'y a pas de nationalisme prononcé ». F., 20 ans.’

Néanmoins, dans une situation conflictuelle entre des jeunes d’origines différentes, cette différence renforce la tension et le conflit prend une dimension ethnique. Ainsi, les jeunes russes reconnaissent que la question « ethnique » est un point sensible dans les relations humaines au Kazakhstan :

‘« En général, elles sont normales, mais parfois, quand il existe des situations négatives ou des conflits entre des personnes d'origines ethniques différentes, souvent on met en relief que la cause du conflit c'est l'origine ethnique (la différence) ». F., 20 ans.
« Parfois des querelles arrivent ». H., 15 ans.’

Cette catégorie regroupe les explications des enquêtés russes qui considèrent les relations entre les jeunes comme négatives. Ils font référence aux nombreux conflits interethniques, principalement entre Kazakhs et Russes :

‘« J'habite dans une région où les Kazakhs et les Russes ne vivent jamais paisiblement. Presque quotidiennement il y a des bagarres (interethniques) ». F., 21 ans.
« Je me heurte à cela chaque jour ! » F., 18 ans.
« Mais c'est comme partout : quelqu'un n'aime pas quelqu'un, personnellement ça m’est égal, mais il y a des campagnards stupides qui vraiment m'agacent par leur comportement ». F., 18 ans.’

Synthèse des résultats

Nous constatons que seulement 29% des Russes croient au caractère amical des relations interethniques au Kazakhstan. Ils se réfèrent à la paix dans ce pays multiethnique et à l’absence de conflits grâce à la politique du président Nazarbaev. La présence de centaines d’ethnies vivant en accord est l’argument le plus cité. Cependant, malgré la paix dans le pays, les Russes citent souvent la discrimination de la part des Kazakhs sur le marché du travail et dans la vie quotidienne. Les conflits entre membres d’ethnies différentes peuvent prendre « la couleur ethnique ». C’est pourquoi 28,5% des Russes pensent que les relations interethniques au Kazakhstan sont variables selon la situation. Ainsi, ils reconnaissent l’existence d’une tension latente entre Russes et Kazakhs causée par le comportement discriminatoire de l’ethnie titulaire. Beaucoup de Russes se sentent exclus et discriminés, car les Kazakhs sont privilégiés sur le marché du travail. Il existe donc un rapport asymétrique entre les deux groupes. Nous remarquons le pourcentage élevé de réponses négatives russes comparé à celui des Kazakhs. Parmi les réponses présentant les relations comme tendues, nous relevons l’argument accusant les Kazakhs de faire partir les minorités européennes pour avoir la majorité absolue dans le pays. Les Russes sont donc moins positifs que les Kazakhs dans leur appréciation des relations entre les groupes ethniques au Kazakhstan.