Ce groupe nous intéresse par sa composition hétérogène et donc par la diversité des opinions émises.
La dépendance est très significative. chi2 = 55,03, ddl = 24, 1-p = 99,97%.
Attention, 29 (82.9%) cases ont un effectif théorique inférieur à 5, les règles du chi2 ne sont pas réellement applicables.
Le chi2 est calculé sur le tableau des citations (effectifs marginaux égaux à la somme des effectifs lignes/colonnes).
Les valeurs du tableau sont les pourcentages au total établis sur 125 citations.
Ce tableau est construit sur la strate de population composée par les minorités ethniques contenant 90 observations et définie par le filtrage suivant : origine ethnique = "Autres ethnies".
Minorités ethniques et Russes pensent que les Kazakhs ont une attitude plus discriminatoire que les autres ethnies. Nous constatons sur le tableau que la discrimination apparait plus importante dans le domaine administratif (26,4%). En fait, c’est dans ce domaine que la discrimination est le plus visible. Ainsi 8% des enquêtés estiment que tous les groupes ethniques pratiquent la discrimination dans le domaine administratif.
Pour la plupart des sujets, les Kazakhs mènent une politique linguistique discriminatoire (15,2%). Cependant, pour certains (4%), toutes les ethnies agissent de même. Mais en fait, les Russes et les autres ethnies sont peu cités dans les réponses : respectivement 1,6% et 0,8%.
De même, dans « le système d’enseignement », les Kazakhs sont plus cités que les autres ethnies. La majorité du groupe « Autres ethnies » (8%) accuse les Kazakhs de discrimination, contre seulement 0,8% les Russes et 0,8% les autres minorités.
Au total, les Kazakhs, avec un pourcentage de 52%, sont cités le plus souvent parmi les ethnies qui discriminent dans les différents domaines de la sphère publique, alors que les Russes ne sont mentionnés que dans 6,4% des réponses et les autres ethnies dans 3,2%. Il faut remarquer aussi le taux élevé de la réponse « Tous » avec le chiffre 16,8%.
Synthèse et discussion des résultats
Après avoir analysé les résultats de tous les groupes ethniques, nous pouvons conclure que la majorité des Russes et des autres minorités se sentent discriminés dans la sphère publique au Kazakhstan. Pour eux, les Kazakhs pratiquent la discrimination plus que les autres ethnies dans tous les domaines institutionnels, surtout dans le secteur administratif, mais aussi dans la politique de la langue et le système d’enseignement.
Cependant, la majorité des Kazakhs pense le contraire. La plupart ont choisi la réponse neutre aux deux questions sur la discrimination au Kazakhstan. Presque la moitié (42,1%) a répondu « Ne sait pas » à la question « Y a t-il un traitement inégalitaire entre les groupes ethniques du Kazakhstan ? » et 26,3% ont répondu « Ne sait pas » à la question suivante : « Si la discrimination existe, à votre avis, qui la pratique le plus souvent ? ». Le tableau croisé fait apparaître un pourcentage total de 27,4% des réponses.
Selon les autres réponses des Kazakhs, la discrimination au Kazakhstan existe mais elle est pratiquée par tous les groupes ethniques. Le pourcentage supérieur de la réponse « Tous » (6,6%) se retrouve dans deux catégories : la politique de la langue et le domaine administratif. Il est intéressant de remarquer que, parmi les enquêtés kazakhs qui reconnaissent l’existence de discrimination dans le système d’enseignement et la politique de la langue, la plupart pensent que les Russes la pratiquent plus que les Kazakhs.
Ainsi, le tableau croisé des réponses « kazakhs » nous montre que, dans aucun secteur, les Kazakhs n’estiment avoir un comportement plus discriminatoire que les autres ethnies. Il convient de souligner aussi que seul le groupe kazakh juge modeste le niveau de discrimination dans le milieu institutionnel au Kazakhstan.
Nous voyons donc, sur ce sujet, la divergence des opinions des groupes ethniques. Si les Kazakhs répondent positivement à la question sur l’égalité entre les groupes ethniques au Kazakhstan, les Russes et les autres minorités se montrent négatifs. Remarquons que les minorités ethniques russophones répondent d’une manière proche de celle des Russes. Cela confirme notre hypothèse qu’elles adoptent des stratégies identitaires plus basées sur leur appartenance culturelle, dite russophone, que sur leur statut social. Leur stratégie est donc l’identification basée sur la langue et la culture russes, renforcée par la lutte politique pour la défense de leurs droits.
Les résultats nous montrent aussi que l’intégration de la nation kazakhstanaise reste un problème important pour le pays. Dans leurs réponses, les ethnies minoritaires russophones parlent de discrimination et de restriction de leurs droits de la part des Kazakhs, ce qui renforce l’image négative de l’identité nationale. Nous nous permettons d’affirmer que, dans leur construction identitaire, le sentiment d’exclusion prédomine sur le sentiment d’appartenance au groupe national. Dans ces conditions, le sentiment d’appartenance ethnique se renforce au détriment de l’appartenance à la nation. En fait, l’identité collective se construit dans l’interaction de groupes sociaux par des processus d’inclusion et d’exclusion qui établissent des limites entre ces groupes (F. Barth, 1969). En analysant le caractère des rapports intergroupes au Kazakhstan, nous observons que les groupes minoritaires élaborent des stratégies identitaires dans la compétition sociale. Plus précisément, leur modèle de comportement est proche de la stratégie collective de distinction positive. Cette stratégie identitaire a été mise en évidence expérimentalement par Lemaine (1966) sous le nom d’originalité sociale dans le cadre de recherches sur les effets de la comparaison entre groupes338. Lemaine a montré qu’en situation de compétition entre groupes, les membres du groupe défavorisé par une dimension de comparaison, valorisent une autre dimension comparative339. C’est pourquoi, pour les groupes minoritaires au Kazakhstan s’estimant défavorisés, le renforcement du sentiment d’appartenance ethnique permet de valoriser leur identité face au rejet du groupe national manifesté par la restriction de leurs droits. Ainsi, la discrimination (réelle ou imaginaire) engendre un sentiment de rejet chez les groupes minoritaires russophones et renforce leur sentiment d’appartenance ethnique pour maintenir leur identité positive.
L. Baugnet (1998) L’identité sociale, Paris, Dunod, p. 96.
Ibid.