Contexte de la recherche

Les communications exolingue, endolingue et bilingue. Les milieux d’acquisition hétéro- et homoglotte

Nous nous sentons dans l’obligation de définir certains termes de base cités ci-dessus.

La notion de la communication exolingue renvoie initialement29 à celle qui s’effectue par des moyens langagiers autres qu’une langue maternelle commune aux interlocuteurs, par opposition à la communication endolingue,30 qui s’effectue dans une langue commune aux interlocuteurs.31

La notion de communication exolingue réfère non seulement à la façon dont un locuteur communique dans une langue qui lui est langue étrangère, ou non maternelle, mais également à la façon dont un locuteur natif communique, dans sa propre langue maternelle, avec un interlocuteur non natif (de la même langue) et donc la façon dont communiquent entre eux des locuteurs ne disposant pas d’une langue maternelle commune. Ce type de communication implique adaptation réciproque et coopération.32 La communication exolingue est la façon dont s’effectue et se conduit de façon duelle la communication en pareil cas. Cette conception a été élargie aux situations impliquant des inégalités, des disparités ou des asymétries, quant aux moyens langagiers, entre les participants, y compris dans le cas où ceux-ci auraient une langue maternelle commune, comme lors d’échanges entre expert et non-expert d’un domaine quelconque.33 Cela implique également de prendre en compte la dimension bilingue de ces situations, en particulier lorsque les partenaires partagent, de façon le plus souvent inégale (mais éventuellement égale) une compétence bilingue (ou plurilingue) mise en œuvre dans l’interaction. J.-Fr. De Pietro oppose la conversation exolingue à la conversation endolingue — modèle idéaliste d'une conversation exempte de toute divergence codique entre les interlocuteurs, — et d'autre part à la conversation bilingue— cas fréquent et bien réel d'un tel contact culturel et linguistique, lorsque la conversation, loin d'être perturbée, se caractérise par une exploitation simultanée, à diverses fins communicatives, des codes en présence.34 La communication exolingue se caractérise alors dans tous les cas par la situation commune et réciproque impliquant les participants, par les moyens langagiers et éventuellement autres (paraverbaux, coverbaux) mis en œuvre dans cette situation, et par le déroulement même de l’interaction co-construite. La situation est en outre constituée et dimensionnée par les représentations qu’en ont les participants, et pas seulement par les langues qu’ils maîtrisent peu ou prou respectivement et qui s’y trouvent utilisées.

La communication exolingue se trouve concrétisée dans une grande variété de situations, elles-mêmes instaurées dans une diversité de contextes (micro-contextes ou macro-contextes; Py et Porquier, 2003), parmi lesquels les contextes d’apprentissage/enseignement, y compris la classe de langue elle-même.35

Selon C. Kerbrat-Orecchioni, la communication en classe de langue peut être envisagée comme une situation de communication exolingue idéale dans la mesure où a priori les participants se sentent liés par un contrat didactique et où l’alloglotte parvient grâce à l’étayage de l’autre à réaliser ses objectifs communicatifs. Le professeur peut être considéré comme le locuteur natif possédant la maîtrise de la langue cible et l’étudiant serait le locuteur non-natif mettant en œuvre des processus d’interférences portant sur les unités les plus saillantes de la production langagière reçue, en s’appuyant sur les informations contextuelles et paralinguistiques, sur son savoir encyclopédique, et sur son savoir linguistique (interlangue, langue maternelle).36

La distinction exolingue/endolingue ne doit pas être confondue avec la distinction homoglotte/hétéroglotte.37 On entend par apprentissage en milieu (ou environnement, ou contexte) hétéroglotte le cas où la langue étrangère est apprise dans le milieu linguistique d’une ou d’autre(s) langue(s) (par exemple, l’apprentissage du français en Russie, notamment – ce qui nous intéresse particulièrement – à la faculté de langues de l’université pédagogique de Vologda) et par milieuhomoglotte celui qui coïncide avec la langue apprise (par exemple, l’apprentissage du français en pays francophone. Le cas particulier est le CIEF à Lyon).

Notes
29.

Voir: PORQUIER R., « L’Analyse des erreurs, problèmes et perspectives », dans: Études de linguistique appliquée, Paris, Didier, n°25, 1977, p.p.23-43; PORQUIER R.,« Communication exolingue et apprentissage des langues », dans: Py B. (dir.), Acquisition d’une langue étrangère, III, Université Paris-VIII et Université de Neuchâtel, 1984, p.p.12-48.

30.

Voir plus bas.

31.

CUQ J.-P. (dir.), Dictionnaire de didactique du français…, op. cité, p.p.97-98.

32.

Idem.

33.

Voir: KERBRAT-ORECCHIONI C., Les Interactions verbales. Approche interactionnelle et structure des conversations, Tome 1, Paris, Armand Colin, 1990, p.123.

34.

Voir: DE PIETRO J.-Fr., « Conversations exolingues. Une Approche linguistique. Des Interactions interculturelles », dans: Cosnier J., Gelas N. et Kerbrat-Orecchioni C., Echanges sur la conversation, Paris, CNRS, 1988, p.251; DE PIETRO J.-Fr., «Vers une typologie des situations de contact linguisitiques », dans: Langage et société, n°43, 1988, p.p.65-89.

35.

CUQ J.-P. (dir.), Dictionnaire de didactique du français…, op. cité, p.98.

36.

RIACHI M., Les Interactions verbales en classe de français au Liban: analyse des stratégies communicatives d’enseignement et d’apprentissage. Thèse de Doctorat, Paris, Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris III, juin 2007, p.p.41-42.

37.

CUQ J.-P. (dir.), Dictionnaire de didactique du français…, op. cité, p.p.121-122.