Les Russes ont préféré la France, avant tout, pour la liberté d’expression qui y régnait depuis le Siècle des Lumières. La France est devenue une terre d’asile pour les réfugiés politiques fuyant la Russie pour échapper à une condamnation ou évadés de Sibérie.
Avides de culture et de divertissements, les Russes venaient découvrir les curiosités françaises remarquables (Versailles, les châteaux de la Loire, les cathédrales gothiques), les paysages du pays, la vie cosmopolite et les spectacles de Paris.
Les Russes arrivaient jusqu’à la France pour consulter de grands spécialistes de Paris, séjourner dans les villes d’eaux et les stations balnéaires. Les malades de tuberculose avaient une bonne habitude de se soigner au soleil de la Côte d’Azur.
Un grand choix d’études et leur niveau très élevé en France a toujours attiré les Russes voulant s’instruire et faire une brillante carrière. Il s’agissait, par exemple, des cours à la Sorbonne, des stages dans les ateliers des peintres et des sculpteurs de Paris. Souvent, on pouvait même obtenir une bourse d’études.
La possibilité d’exercer leur métier et en être bien récompensé inspirait des diplomates, des journalistes, des commerçants, des artistes - des musiciens, des chanteurs, des troupes de ballet en tournée - et même des aventuriers et des espions de privilégier la terre française. Certains s’y sont définitivement fixés.
Séduits par le « charme slave », les Français ramenaient leurs épouses de la Russie, et les Russes venaient en France chercher une plus grande liberté de mœurs.
A cette époque, le nombre des Russes vivant en France d’après les statistiques officielles s’élevait à:
Année | 1851 | 1866 | 1881 | 1901 | 1906 | 1911 |
Nombre | 9 338 | 12 164 | 10 489 | 16 061 | 25 605 | 35 016 |
En 1916, un corps expéditionnaire russe de 44 292 hommes a débarqué en France pour se battre aux fronts français et macédonien.
Tous les ans, à la Pentecôte, l’Association de la Mémoire du Corps Expéditionnaire Russe en France (1916-1918), dont le président est le prince Serguey Obolenski, commémore au cimetière militaire russe de Saint-Hilaire-le-Grand (à 50 kilomètres de Reims) la journée du souvenir des militaires russes morts pour la France. Dans ce cimetière reposent les corps de 915 soldats et officiers qui n’ont pas quitté le front, même après la révolution de 1917 et la signature, entre la Russie et l’Allemagne, de l’Accord de Brest-Litovsk. Le Maréchal Foch a salué avec la plus haute estime le courage des militaires russes au cours de la première guerre mondiale: « Si la France n’a pas été rayée de la carte de l’Europe, c’est, en premier lieu, le mérite de la Russie ».61
Il ne reste plus personne de ceux qui avaient servi dans le Corps Expéditionnaire Russe, ni de ceux qui avaient construit, dans les années trente, une chapelle sur le territoire attenant au cimetière, mais maintenant leurs descendants, de la même manière qu’autrefois leurs pères et leurs grands-pères, forment une procession après la liturgie et chantent en l’honneur des héros qui avaient glorifié la Russie, l’Hymne russe et la Marseillaise.
GOULTSEV A., « Pèlerinage à Mourmelon », dans: La Pensée Russe. 125 Ans de la Pensée Russe, hors série, Paris,n°1, 2005, p.5.