2. 0. La coexistence des contextes culturel et institutionnel de l’enseignement d’une langue étrangère et des normes langagières à approprier

Il y a un certain nombre de facteurs déterminant différents types de situations d’enseignement/apprentissage.

Nous parlons ici de l’enseignant non natif dont la langue maternelle est le russe. Le processus d’enseignement/apprentissage se déroule dans une situation exolingue. Il revient alors à l’enseignant d’incarner en sa personne l’univers étranger. Il se trouve face aux apprenants dans une disposition plus fortement inégalitaire que son collègue exerçant en situation endolingue, ce qui rend inévitable, de sa part, le recours à des conduites pédagogiques plus directement incitatrices, surtout s’il a affaire à un public « captif » 161, dont le choix de la langue n’a pas été fortement volontaire et s’ils sont, les uns et les autres, soumis au poids d’une institution.

On ne peut ne pas tenir compte du mode des relations pédagogiques adoptées dans tel ou tel pays. Un groupe d’apprentissage reconstitue en miniature des relations sociales du pays. Notamment, la Russie actuelle garde les traces d’une organisation fortement hiérarchisée où chacun doit assumer le rôle lui étant dévolu, sans prendre trop d’initiatives. L’enseignant y remplit la fonction de guide, de dirigeant qu’il ne peut pas refuser sans gêner le processus d’apprentissage. Sinon les étudiants seraient tombés dans un mutisme ou un refus explicite de participation. En effet, l’enseignant de langue étrangère en Russie est plus « impliqué » dans le déroulement des activités d’interactions durant ses cours que son collègue français. Le premier assure plus de contrôle permanent sur des productions langagières des apprenants. En résultat, les apprenants témoignent beaucoup moins d’initiative de s’exprimer, ont plus peur de commettre une erreur que les étudiants français de leur âge. Ils s’attendent à ce que l’enseignant les incite explicitement à se prononcer. Et là encore, ils hésiteront, en cherchant les mots qui conviennent et en surveillant les réactions de leur professeur, pour se corriger sur-le-champ. Ils redoutent de « ne pas bien faire ». Du point de vue organisationnel, l’enseignant doit s’investir énormément pour faire progresser le polylogue pédagogique. Du point de vue de l’implication et des résultats langagiers, le groupe de ce type risque de s’avérer finalement moins performant que celui où les apprenants osent pendre des initiatives. D’après notre propre expérience, nous constatons que l’enseignant russe de FLE doit être plus acteur que son collègue français pour créer une ambiance inspiratrice.

Le contexte culturel et institutionnel dans lequel a lieu l’enseignement influe certes sur les façons dont l’enseignant s’acquitte de ses obligations professionnelles, mais il lui incombe toujours de faire produire la parole étrangère (sous forme orale ou écrite) selon les normes (linguistiques et communicatives) et d’assurer la compréhension de divers discours rencontrés en salle d’études.

Notes
161.

Voir les pages 122-124.