2. 1. Les actions de l’enseignant favorisant la communication en classe de langue

Des recherches ont montré que si l’on essaie d’évaluer l’implication de l’apprenant dans ses différents actes de parole, on constate que celle-ci atteint son degré maximum lorsque le sujet évoque son propre apprentissage.162

De plus, l'art de l’enseignant à rendre motivants tous les exercices et tous les moyens d’apprentissage proposés, sert à former chez ses apprenants une réaction générale positive (l’intérêt, la compréhension mutuelle) quant au processus de l’enseignement.

M. De Ferrari sous-entend que la notion de l’interculturalité - s’appliquant à notre public d’apprenants russes analysé – comporte trois aspects: un volet cognitif (les connaissances requises), une composante communicative (la mise en discours de ces connaissances) et une dimension socio-affective (le rapport de chacun à ces connaissances et à ces processus d’adaptation).163

C. Arnaud 164 a réalisé une étude sur la place de l’affectivité en classe de langue étrangère, en la considérant à la fois comme processus actif, dynamique, capable de favoriser ou d’entraver l’accès à la connaissance et comme un état, une réponse, qui nous fait ressentir diverses émotions. Il y a affectivité quand le sujet prend parti, juge, prend position, réagit par rapport au vécu (revoir nos analyses des polylogues pédagogiques). En se basant sur les problèmes rencontrés (mentionnés par les enseignants), sur ses propres observations et sur les études anglo-saxonnes sur le sujet, C. Arnaud a retenu quatre paramètres d’ordre affectif:165

L’affectivité en classe de langue étrangère
Paramètres d’ordre affectif Actions de l’enseignant favorisant les comportements affectifs souhaités

L’implication/motivation
· S’adresser aux apprenants en tant qu’individus.
· Adopter un type de discours où c’est le « je personne » qui est interpellé.
∙ Différencier les activités centrées sur la forme (correction et celles centrées sur le sens (fluidité).
· Multiplier les occasions de s’intéresser à la culture de la langue cible.
· Développer l’autonomie de l’apprenant.

L’extraversion/spontanéité
· Encourager (verbalement ou non) l’élève à s’exprimer.
· Utiliser le feed-back positif.
· Aider l’élève à s’exprimer.
· Regarder tous les élèves indistinctement.
· Être patient et bienveillant.
· Faire sortir les plus timides de leur coquille.
· Faire parler tout le monde sans favoriser un groupe d’étudiants au détriment de l’autre.
· S’effacer devant la parole de l’élève.
· Distinguer les activités centrées sur la forme de celles centrées sur le sens et ne corriger que pour les premières.
· Susciter les interactions entre apprenants.
Le fait de se sentir à l’aise en classe · Éviter de faire subir à l’élève des expériences négatives.
· Plaisanter sans intention moqueuse et sans agressivité.
· Inciter les élèves à utiliser la plaisanterie, le rire, sans intention moqueuse.
· utiliser l’humour, montrer de l’entrain, de la bonne humeur.
· Se montrer souriant, ouvert et détendu (expression faciale, position corporelle, ton de la voix).
· Être patient et bienveillant.
La cohésion de groupe et la convivialité · Encourager et faciliter les interactions entre apprenants.
· Encourager un comportement empathique.
· Prioriser les activités à réaliser en tandem ou en groupe.
· S’effacer, éviter de jouer l’homme-orchestre.
· Regarder tous les élèves.
· Faire participer tous les élèves.

Des quatre paramètres mentionnés dans le tableau ci-dessus, deux d’entre eux semblent jouer un rôle particulièrement significatif: l’implication166 et l’extraversion. Notre présente étude confirme la thèse de C. Arnaud 167 que l’implication de l’étudiant (la tendance à vouloir exprimer ce qu’il pense, ce qu’il ressent, à réagir et à s’exprimer en tant que personne, l’autonomie dans l’apprentissage, l’intérêt porté à ce qu’il fait en cours, etc.) influe considérablement sur la capacité de s’exprimer oralement,168 à adopter une prononciation « authentique » et à progresser en langue de manière globale. Tout porte à croire que les enseignants qui s’entretiennent avec leurs apprenants de sujets dépassant le simple cadre « scolaire », qui adoptent en cours un discours où le sens prend souvent le pas sur la forme, qui s’intéressent à ce qu’ils font, à leur manière d’apprendre, à ce qu’ils pensent, déclenchent un processus très puissant, étroitement lié à l’implication de leurs étudiants. L’extraversion/spontanéité (le fait que l’apprenant intervienne de sa propre initiative, prenne des risques, donne son avis, n’hésite pas à poser des questions, à répondre, à demander des explications; la vivacité et la spontanéité avec lesquelles il participe aux activités de classe) semble également influer, mais dans une moindre mesure, sur l’acquisition de la cible.

C. Arnaud souligne que lorsque les attentes des apprenants coïncident avec les actions entreprises en salle d’études par l’enseignant, la satisfaction à la fin du cours est clairement exprimée. Il peut même arriver que les priorités et les goûts personnels de l’étudiant soient entièrement modifiés par ce qui s’est passé ensuite; ce qui indique l’influence que peut exercer le professeur sur le groupe, lorsque l’apprenant a le sentiment d’avoir appris et progressé et/ou quand il s’est senti encouragé par l’enseignant.

La chercheuse a cité les appréciations portées par les apprenants sur les qualités de leur professeur dans l’ordre les critères les plus souvent mentionnés, en concluant que ces derniers concerneraient à la fois les composantes affective et cognitive.;169 les facteurs b, c, d et h concernent tous l’affectivité. Les étudiants ont apprécié particulièrement: a) que l’enseignant soit compétent (32% des réponses); b) qu’il sache créer un climat incitant à parler (15%); c) qu’il soit sympathique, agréable, ouvert (13%); d) qu’il soit patient, compréhensif, qu’il sache éviter les situations désagréables (12%); e) qu’il corrige quand l’étudiant se trompe (9%); qu’il évite la perte de temps en classe (8%); qu’il soit exigeant, sérieux (5%) ; h) qu’il soit amusant (4%). De notre côté, nous avons fait la même enquête auprès des apprenants de la faculté de langues de l’université pédagogique de Vologda (deuxième et troisième années), et avons obtenu – par surprise - des résultats similaires. Il en ressort que le professeur le plus apprécié allie compétence, patience, bienveillance avec le respect de la parole de l’étudiant et l’équité (en ce qui concerne le temps de la parole et le traitement donné à chacun). Une certaine autorité (savoir où il va) semble aussi très bien perçue. Les apprenants se prononcent pour un enseignant dynamique, patient, autoritaire et bienveillant à la fois, veillant à ce que tous les étudiants osent et puissent s’exprimer, alternant de manière équilibrée les activités formelles et les activités de production libre ou semi-libre.

Notes
162.

BORGES B., Quelques aspects du rapport tâche-activité interlangagière dans des productions d’étudiants brésiliens apprenant le français. Thèse de Doctorat, Université Grenoble III, ronéo, 1983.

163.

DE FERRARI M., « Penser la formation linguistique des adultes migrants en France. Nommer autrement pour faire différemment », dans: Chnane-Davin F. et Cuq J.-P. (coord.), Le Français dans le monde. Du Discours de l’enseignant aux pratiques de l’apprenant, n°44, juillet 2008, p.26.

164.

ARNAUD C.,« Mieux gérer l’affectivité…, op. cité, p.p.27-29.

165.

Idem, p.29.

166.

Voir la page 21.

167.

ARNAUD C.,« Mieux gérer l’affectivité… », op. cité, p.p.27-28.

168.

Voir la Troisième partie.

169.

ARNAUD C.,« Mieux gérer l’affectivité… », op. cité, p.28.