4. 0. La notion de communication pédagogique

L’enseignant dirige les activités et les transactions en classe/groupe de langue, suivant des objectifs posés, des tâches à remplir. C’est à travers cette fonction de gestionnaire d’un cours, de différentes activités qui y ont lieu et de la parole en particulier qu’il assure la cohérence du travail en général et y compris des échanges discursifs se déroulant dans le cadre du processus d’enseignement/apprentissage. Le futur enseignant doit ainsi disposer d’un système solide de savoirs et de savoir-faire professionnels, atteindre une maîtrise parfaite de la communication pédagogique.

R. Jakobson conçoit la communication comme un transfert d’information d’un émetteur à un récepteur, via un canal, au moyen d’un code.170 En didactique de langues, l’évolution des conceptions de la communication implique de s’intéresser aussi à l’interprétation et aux effets produits sur le récepteur. On insiste dorénavant sur le rôle actif du récepteur, car la communication dépend largement de son activité interprétative. À son tour, il peut devenir émetteur et c’est donc finalement la conception de la communication comme un aller-retour, un échange, que l’on retient.

La communication (interaction) pédagogique est une composante importante du système de gestion de l’activité d’apprentissage qui sert à optimiser le processus d’acquisition de la langue étrangère. A. A. Leontiev 171 a caractérisé la communication pédagogique optimale comme « communication du professeur <…> avec ses élèves lors du processus d’enseignement qui crée les meilleurs conditions pour le développement de la motivation des apprenants et pour un caractère créateur du processus d’apprentissage, pour une formation adéquate de la personnalité de chaque élève, assure un climat émotionnel positif, <…> garantit la gestion des processus socio-psychologiques au sein du collectif d’apprenants et permet de déployer au maximum les particularités individuelles de l’enseignant. » La matière « Langue étrangère » apprend à communiquer dans une langue différente de la maternelle, en réalisant en même temps des buts pratiques, éducatifs et instructifs. Il est inadmissible pour le professeur de s’exprimer d’une façon primitive ou d’avoir recours à la langue maternelle s’il n’y a pas de besoin incontestable. Sinon ce sera une langue « conditionnelle ». D’autre part, l’absence des pratiques du comportement langagier dans des situations typiques pose un problème à l’enseignant de langues de répartir d’une façon optimale son attention entre les activités d’enseignement et d’apprentissage, entre l’autocontrôle et le contrôle des activités de ses apprenants, entre le contenu d’une situation et les moyens de sa réalisation.

La communication pédagogique se caractérise par une interaction inégale de l’enseignant et des apprenants.172 Ces derniers sont dirigés par leur professeur dans le but de l’acquisition des pratiques et des savoir-faire langagiers. Du point de vue fonctionnel, le professeur assure le contact permanent avec toute la classe et chaque élève, à la fois, organise l’activité d’apprentissage (crée la motivation, explique les conditions, contrôle, corrige et évalue les résultats), guide des activités individuelles et groupales, sélectionne des échantillons de la parole étrangère, illustre des explications par son propre comportement langagier, gère la communication dans une langue étrangère lors des activités spécifiques: jeux de rôle, discussions, etc., organise et soutient la communication des apprenants au cours des activités « pédagogiques », dirige une activité cognitive des apprenants, stimule et développe leur pensée linguistique, fait une analyse des activités et de leur efficacité.

Le futur professeur de langues doit maîtriser la communication pédagogique, développer son niveau culturel, apprendre à résoudre les problèmes d’enseignement en prenant en considération les différences d’âges, de types d’apprenants étant placés dans des situations pédagogiques variées, être capable d’appliquer divers formes, méthodes et moyens de travail, de connaître bien les principes de base de la didactique moderne, etc. En outre, les promus de la faculté de langues de l’université pédagogique doivent maîtriser parfaitement la langue étrangère, l’aimer, car l’intérêt des apprenants est conditionné par le niveau de compétence de l’enseignant et par son propre intérêt envers la matière enseignée. La communication pédagogique est possible seulement si le professeur sait mener à bien la communication en général. En même temps, il doit posséder des savoir-faire communicationnels spécifiques, permettant de résoudre les problèmes d’enseignement.

La communication (interaction) pédagogique peut être envisagée comme un moyen particulier destiné à diriger le collectif, des relations interpersonnelles à l’intérieur de ce dernier, le comportement de chaque apprenant. Elle est aussi un moyen d’organiser des activités communes et/ou individuelles. La communication pédagogique est donc un système particulier servant à diriger les apprenants grâce à ses propres mécanismes psychopédagogiques d’action, de réaction, de contact et d’organisation.

Le caractère de la communication pédagogique est conditionné par la façon dont le professeur résout les problèmes globaux et particuliers de l’enseignement, de l’éducation, du développement psychologique et personnel des étudiants. Il s’agit des moyens communicationnels qui influencent le fonctionnement d’un collectif d’apprenants afin de le rendre plus efficace. On peut distinguer alors une communication pédagogique orientée vers une personne ou vers un groupe.

Lors de la communication pédagogique, tous les mécanismes se trouvant à la base de la communication en général (mémoire, attention, imagination, faculté de la pensée, langage et comportement communicatif, émotions, etc.) atteignent le niveau qui garantie une efficacité psychologique et pédagogique de l’activité de l’enseignant. Ce type de communication est ainsi inclus dans la notion de la maîtrise pédagogique.

La formation professionnelle des enseignants doit comprendre les moyens d’adaptation de leurs particularités personnelles et sociales, de leurs tempéraments, etc. à la spécificité de leur métier. Mais, avant tout, il faut que le futur professeur soit motivé d’apprendre à communiquer avec les apprenants.

La communication pédagogique est un processus bilatéral. L’enseignant doit savoir non seulement l’organiser, mais aussi stimuler l’initiative communicative de la part de ses étudiants. Ces derniers sont en fait sujets des échanges de toute sorte dans le système de l’activité cognitive d’apprentissage et de communication en général.

Les didacticiens des langues ont construit des stratégies favorisant des situations de communication en classe de langue. Dépassant la simple mise en œuvre de documents dits authentiques, qu’on pourrait naïvement croire à elle seule capable de simuler une situation de communication authentique, la didactique des langues actuelle favorise des activités qui permettent une communication la moins artificielle possible en classe, au-delà des rituels propres à la communication en situation d’enseignement/apprentissage: simulations globales, jeux de rôles, travaux collectifs, etc. On préconise de varier les supports (manuels, images, TICE,173 etc.) et on privilégie le recours aux médias, symbole de communication par excellence. Les progressions ne sont plus établies en termes strictement linguistiques, mais en termes d’actes de communication, inspirés du niveau-seuil (approche fonctionnelle).174

Notes
170.

CUQ J.-P. (dir.), Dictionnaire de didactique du français…, op. cité, p.47.

171.

LÉONTIEV A. A., Pédagoguitcheskoïé obchtchénié, Moskva, Znanié, 1979, p.8.

172.

Voir la Deuxième partie, pour plus de détails.

173.

« Technologies de l’information et de la communication pour l’éducation ».

174.

CUQ J.-P. (dir.), Dictionnaire de didactique du français…, op. cité, p.p.47-48.