1. 2. Les difficultés à transcrire l’oral

Dans l’ouvrage de C. Blanche-Benveniste que nous examinons, l’auteur compare l’écrit et l’oral du point de vue de leurs modes de production.

A l’écrit, les énoncés sont produits selon un déroulement linéaire orienté, les étapes de la confection du texte sont effacées, nous le concevons comme produit fini.

En revanche, les textes de langue parlée sont rarement des produits finis, sauf s’il s’agit des locuteurs professionnels. Dans l’usage de conversation, on ne peut pas gommer ce qu’on vient de dire. L’entassement paradigmatique est une des caractéristiques importantes de la production orale . A la différence de l’écrit, celui qui parle peut revenir en arrière sur un syntagme déjà énoncé , pour le compléter ou modifier. Autre particularité essentielle des productions en langue parlée est la facilité à faire des incidentes . Ces dernières sont plus fréquentes dans les monologues. On a parfois l’impression que le locuteur mène de front plusieurs énoncés qui s’entrecroisent. Le discours n’est plus une construction linéaire.

Au fur et à mesure que les moyens techniques de saisir la parole se perfectionnaient, apparaissaient davantage les particularités de l’oral et de l’écrit. Les difficultés à transcrire de grands morceaux de langue parlée ont obligé à éditer des conventions de transcription, variables selon les chercheurs et selon les objectifs de l’étude. La plupart des grands corpus de langue parlée prennent pour base l’écriture orthographique, avec différents aménagements.

Aujourd’hui, de nouvelles techniques (Cd-rom ou autres) permettent de lire le texte écrit en même temps qu’on entend l’enregistrement (et que l’on voit se dérouler certaines courbes intonatives). Les études s’intéressant surtout aux situations de communication, aux contextes des interactions, aux tours de parole, à la gestuelle d’accompagnement et, plus généralement aux actes de langage des locuteurs, sont souvent accompagnées d’enregistrements vidéo.

Les bribes, hésitations et corrections ainsi que les chevauchements de parole, lorsque plusieurs locuteurs parlent à la fois, ne peuvent pas être bien représentées dans une disposition linéaire. Les signes expressifs, comme le point d’interrogation ou d’exclamation, ne suffisent pas à noter tous les phénomènes de force illocutoire: ironie, hésitation, demande indirecte, etc. L’écriture orthographique du français n’est pas très commode pour noter les variations. Difficile d’indiquer si le s final de plus est prononcé et s’il est prononcé [z] ou [s]. Les « trucages orthographiques », doublement de la consonne finale comme dans pluss, apostrophe pour noter les élisions et raccourcissements, comme dans p’êt’ pour peut-être, servent traditionnellement à disqualifier le parler de certains locuteurs.

Ce que nous entendons, souligne C. Blanche-Benveniste, est un compromis entre ce que nous fournit la perception elle-même et ce que nous reconstruisons par l’interprétation. C’est en reconstituant ce que le locuteur a voulu dire que nous parvenons – plus ou moins bien – à percevoir ce qu’il dit.