La linguistique contemporaine a remplacé une opposition tranchée entre l’oral (mauvais français) et l’écrit (bon français) par l’idée d’un continuum de pratiques différentes de la langue, tant par écrit que par oral. En analysant certaines caractéristiques, on peut classer ces pratiques en autant de genres.205
Selon C. Blanche-Benveniste, les publications intitulées Ne dites pas… mais dites…, sont, malgré leurs titres, des manuels du bien écrire, peu intéressés aux diverses pratiques de l’oral. Certaines prononciations courantes, différentes de la prononciation académique, sont d’un usage si répandu qu’on ne peut pas les considérer comme des phénomènes marginaux, de même que certaines particularités grammaticales, comme, par exemple, l’absence de ne dans 95% des conversations - excepté les discours publics où le langage est très surveillé - ou une large utilisation de l’interrogation par est-ce que, ou encore l’emploi de on pour nous, y compris par les hommes politiques dans leurs discours publics. Le participe passé non accordé ou c’est à la place de ce sont se trouvent chez tout le monde. L’emploi de qu’est-ce que, dans l’interrogation indirecte au lieu de ce que, est une faute qui se rencontre même chez les écrivains et les professeurs. C. Blanche-Benveniste donne une multitude d’autres exemples de ce type.
Il y a des infractions qui agissent comme des marquages sociaux, que certaines personnes ont appris très jeunes à éviter, sous l’influence des familles et des écoles, comme l’absence de subjonctif, l’auxiliaire avoir pour être, etc. Sanctionner de « faute » certaines particularités régionales du point de vue de l’usage parisien, revient à supprimer une nuance, que les usagers, de leur côté, jugent fort intéressante. Par ailleurs, remarque C. Blanche-Benveniste, au début du XXe siècle, on estimait vulgaire de prononcer [l], tandis qu’actuellement, c’est la prononciation sans [l] qui est réputée vulgaire.
BLANCHE-BENVENISTE C., Approches de la langue…, op. cité, p.p.35-45.