Des « bribes », hésitations, répétitions, amorces ou corrections, si caractéristiques de la mise en place des discours, ne sont pas la syntaxe de la langue. Ces propriétés laissent apparaître, selon C. Blanche-Benveniste, certains processus généraux de fabrication des syntagmes. L’analyse permet d’entrevoir des modes de production spécifiques de la langue parlée, des traces de l’émergence de la syntaxe dans les discours. On s’aperçoit que les instruments utilisés pour la syntaxe de l’écrit conviennent parfaitement à celle de l’oral, à condition de prévoir une grande souplesse d’articulation dans le domaine des relations entre lexique et grammaire, où se font la plus grande partie des innovations.
C. Blanche-Benveniste constate que la langue parlée, offrant un grand choix d’exemples, permet d’en faire une description plus exhaustive que si l’on s’en tenait aux seules attestations de la langue écrite. En même temps, ce même auteur nous amène à faire la conclusion que la syntaxe de la phrase et des propositions, fondée sur les catégories grammaticales et leurs fonctions, ne suffit pas à rendre compte de certaines organisations de la langue parlée, pas plus qu’elle ne pourrait décrire totalement les articulations des grandes périodes écrites selon les règles de la composition classique.
Le terme de macrosyntaxe désigne ce niveau d’organisation, qu’il porte sur des énoncés de grande extension comme les périodes classiques ou de petite envergure. L’analyse de l’intonation rend compte en partie des effets de regroupements que la syntaxe ne prend pas en charge. Les unités et les relations de macrosyntaxe ne prennent pas appui directement sur les fonctions et catégories grammaticales.
L’unité centrale de la macrosyntaxe a été nommée prédicat, rhème, ou comment (au sens de commentaire pour un thème donné, dans la terminologie américaine). L’équipe de GARS l’appelle noyau - l’unité qui, dans un énoncé, est dotée d’une autonomie intonative et sémantique, et qui peut faire un énoncé à soi seul. Plusieurs noyaux successifs peuvent former autant d’unités distinctes de macrosyntaxe. Les termes qui expriment en eux-mêmes des modalités positives, comme oui, non, si, d’accord, entendu, bien sûr, exactement, exact, effectivement, forcément, pas du tout, ont la propriété de former à eux seuls des énoncés. Dans les termes, d’E. Cresti, il s’agit d’un des actes de langage fondamentaux, comme l’assertion, la confirmation, la dénégation, la question, l’ordre, etc. Le noyau fondamental de l’énoncé coïnciderait donc avec un acte de langage.
Selon C. Blanche-Benveniste, la dissociation en deux niveaux, syntaxe et macrosyntaxe, facilite l’analyse d’un grand nombre de phénomènes.
Par exemple, une grande partie des constructions détachées ayant trait à la langue écrite aussi bien qu’à la langue parlée, semblent plus faciles à décrire quand on les situe au niveau de la macrosyntaxe.
L’incise est un morceau qui vient se loger à l’intérieur d’un énoncé comme un parasite – d’après une comparaison réussie de C. Blanche-Benveniste - qui n’aurait pas de relation syntaxique avec son hôte et pourrait former un énoncé à elle seule.Les incises ne sont pas toujours accompagnées par une intonation caractéristique de baisse de registre, de sorte qu’elles soient souvent difficiles à identifier.Dans tous les registres de la langue parlée les incises sont nombreuses, faites d’éléments de toutes sortes, souvent placés dans des endroits inattendus. Elles servent à rappeler une information qui n’a pas été donnée en temps voulu, en devenant parfois des procédés rhétoriques à grande fréquence. C. Blanche-Benveniste remarque que les incises sont les lieux privilégiés des commentaires sur le discours. Les locuteurs parviennent, dans la majorité des cas, à reprendre le fil de l’énoncé, après les interruptions parfois spectaculaires des incises.
Le phénomène des incises, lorsqu’il est abordé – rarement - dans les grammaires, est traité comme une sorte d’intrusion anarchique dans l’ordre de la syntaxe.
Voir aussi le chapitre suivant.