5. 0. Les textes suivis

Depuis les années 1980, constate C. Blanche-Benveniste, se sont développées en France diverses analyses de productions orales, qu’on nomme textes comme pour les textes écrits. Beaucoup ont été conçues comme des analyses de discours portant sur les structures de conversations (Kerbrat-Orecchioni, 1990, 2005212), les argumentations dans les dialogues (E. Roulet, A. Auchlin, 1987), les routines d’interactions, les structures narratives non écrites, les rhétoriques élémentaires, ou divers principes de cohérence des textes (B. Combettes, 1993). Les méthodes du GARS effectuent l’étude des textes dans les domaines du lexique, de la syntaxe et des faits d’énonciation. Leurs recherches lexicales participent à la structuration des textes. Ils ont déduit, par exemple, que les locuteurs répètent les mêmes unités de lexique en les déplaçant dans des positions syntaxiques différentes. Les textes didactiques ont de longs passages ainsi construits.Le lexique se transmet ainsi de la droite vers la gauche, en assurant une cohésion forte des textes.

Les répétitions du lexique sont pénibles à lire lorsqu’elles sont disposées en lignes suivies, puisqu’elles contreviennent à nos habitudes de lecture. Dans des représentations en grilles, où les alignements paradigmatiques ressortent bien, C. Blanche-Benveniste nous montre que les répétitions sont concentrées dans la partie centrale du récit et dans la conclusion. Elles touchent le vocabulaire du noyau macrosyntaxique, verbes et compléments, mais pas du tout les préfixes, parties initiales des énoncés.

Les règles de rédaction habituelles de l’écrit, telles que nous les apprenons à l’école, demandent qu’on varie les formes syntaxiques des énoncés, en évitant les séries de phrases bâties sur le même modèle. La tendance générale, par oral, tous genres confondus, est plutôt d’accumuler plusieurs constructions identiques avant d’en changer.

C. Blanche-Benveniste montre sur des exemples comment les locuteurs peuvent collaborer à une conversation en se complétant les uns les autres (on parle parfois de co-énonciation) et qu’ils peuvent au contraire entrer en concurrence en lançant chacun son thème et chacun sa construction. Par ailleurs, un seul et même individu est capable lui aussi de produire des textes à plusieurs voix , comme si chacun de nous était en mesure, en parlant, de tenir plusieurs rôles à la fois. C. Blanche-Benveniste remarque que la répartition des rôles de locuteurs ne coïncide pas avec la structure syntaxique des textes. Par ailleurs, ellereconnaît qu’il est difficile d’imaginer un équivalent par écrit, où on laissera en suspens une phrase pour la reprendre plus loin, après y avoir placé le début de deux autres phrases.

Notes
212.

Voir le deuxième chapitre de la présente partie.