2. 0. Le verbal, paraverbal et non verbal

Dans son ouvrage « Les Interactions verbales », C. Kerbrat-Orecchioni a proposé de distinguer deux grandes catégories d’interactions: celles « à dominante non verbale » (danse, sports collectifs, etc.) vs « à dominante verbale » (conversations et autres formes d’échanges langagiers).219 A ces deux catégories, il convient d’ajouter des interactions «mixtes», où se succèdent ou s’entremêlent des actions verbales et non verbales également indispensables au déroulement du rituel: les consultations médicales hospitalières, les interactions au restaurant, etc.

Cosnier et Brossard 220 ont conclu, à leur tour, que dans la communication en face à face, se trouvent impliqués les ingrédients suivants, qui lesclassent d’abord en fonction de la nature des organes d’émission et de réception des unités considérées:

(1) Signes voco-acoustiques de deux catégories: matériel verbal (phonologique, lexical, et morpho-syntaxique) et matériel paraverbal, prosodique et vocal (intonations, pauses, intensité articulatoire, débit, particularités de la prononciation, différentes caractéristiques de la voix).

(2) Signes corporo-visuels, de nature non-verbale: les « statiques » (tout ce qui constitue l’apparence physique, le « look » des participants); les « cinétiques lents » (essentiellement les attitudes et les postures); les « cinétiques rapides » (jeu des regards, des mimiques et des gestes). Les cinétiques lents et rapides relèvent de la « kinésique ».

(3) Canaux olfactifs, tactiles et thermiques souvent négligés.

Il reste:

∙ les productions vocales ne correspondant pas à un « mot de la langue » et dont la structure phonologique est plus ou moins clairement identifiable: vocalisations à fonction de remplissage ou de régulation (« euh », diverses variantes du « mmh »), exclamations diverses à fonction expressive, sans parler de ces cris, hurlements, gémissements, etc.;

∙ les intonations et plus généralement, les fonctions sémantiques et pragmatiques de l’intonation.

C’est avant C. Blanche-Benveniste («Approches de la langue parlée en français ») que C. Kerbrat-Orecchioni a mis en évidence, dans son ouvrage cité ci-dessus, le fait que pendant des siècles, on a confondu la langue avec son expression écrite. Lorsqu’on a commencé à s’intéresser au discours oral, les linguistes se sont alors trouvés dépourvus d’outils descriptifs appropriés. La description « intégrée » doit tenir compte du fait que tous les paramètres varient en même temps: la mélodie avec la durée et l’accent, mais aussi l’ensemble de ces données avec les autres paramètres conversationnels.

Dans les interactions « mixtes », des séquences entières peuvent être réalisées de façon non verbale. Mais dans les interactions « à dominante verbale », le même phénomène se rencontre fréquemment à un niveau inférieur, celui des interventions (voire des échanges). Si l’on exclut de l’analyse tous les éléments non verbaux, on sera dans bien des cas incapable d’observer la cohérence du dialogue, dans la mesure où y interviennent successivement des actes verbaux et non verbaux. Mais en outre, il sera impossible à l’analyste de rendre compte de son fonctionnement global, dans la mesure où y interviennent simultanément des éléments verbaux et non verbaux (et bien sûr paraverbaux). C’est particulièrement évident dans l’exemple des salutations, où le geste généralement est joint à la parole, et où différents actes verbaux et non verbaux se trouvent associés dans un même rituel.

Notes
219.

KERBRAT-ORECCHIONI C., Les Interactions verbales…, op. cité, p.p.133-142.

220.

COSNIER J. et BROSSARD A., La Communication non verbale, Neuchâtel/Paris, Delachaux et Niestlé, 1984, p.p.5-7.