C. Kerbrat-Orecchioni nous rappelle que le terme de compétence vient de Chomsky et désigne l’ensemble des règles qui sous-tendent la fabrication des énoncés, conçu en termes d’aptitudes du sujet parlant à produire et interpréter ces énoncés (la compétence linguistique). Il est évident que ces aptitudes ne se réduisent pas à la seule connaissance de la « langue »: d’où l’élaboration par Hymes (à la fin des années soixante) du concept de compétence communicative , que l’on peut définir comme l’ensemble des aptitudes permettant au sujet parlant de communiquer efficacement dans des situations culturelles spécifiques.241
C. Kerbrat-Orecchioni précise que pour manipuler des énoncés à tous égards bien conformés, il faut disposer - outre la capacité de produire et interpréter des phrases « grammaticales » - des aptitudes de base suivantes:242
- Maîtriser le matériel paraverbal et non verbal assurant la communication.
- Maîtriser les règles d’appropriation contextuelle des énoncés produits (la « notion centrale », chez Gumperz et Hymes). Même une phrase anodine et assurément grammaticale Comment allez-vous ? est soumise à des règles d’utilisation passablement complexes: règle de « placement » dans l’interaction (cette question peut difficilement figurer ailleurs que dans la séquence d’ouverture), règles diverses d’appropriation contextuelle, par exemple: on ne peut adresser une telle question qu’à des « connaissances »; elle apparaît comme déplacée dans certains types de contextes institutionnels (un médecin peut et doit la poser à son patient, mais celui-ci peut difficilement l’adresser à son médecin); sa formulation serait inadaptée en situation familière, etc.
Les « contraintes sociales » et les «règles linguistiques » sont, précise C. Kerbrat-Orecchioni, les composantes d’un « système communicatif unique ». La compétence communicative apparaît alors comme un dispositif complexe d’aptitudes, où les savoirs linguistiques et les savoirs socio-culturels sont inextricablement mêlés et dont la connaissance est supposée partagée par les interactants.
C. Kerbrat-Orecchioni présente encore deux aspects qui différencient la compétence communicative de la compétence chomskyenne:243
C. Kerbrat-Orecchioni qualifie ainsi la compétence communicative comme une hétérogénéité structurée , étant en grande partie implicite, dont l’existence échappe généralement à la conscience des utilisateurs, et que l’analyste a précisément pour tâche d’expliciter. Comme la compétence linguistique, la compétence communicative dans son ensemble s’acquiert, se développe, et peut éventuellement se dégrader.
Selon C. Kerbrat-Orecchioni, les techniques et les rythmes d’apprentissage varient beaucoup d’une culture à l’autre, en fonction des présupposés culturels et des représentations de l’étudiant qui caractérisent la société en question. Les techniques d’apprentissage ont, à leur tour, des incidences sur le développement de la compétence langagière et communicative. Généralement parlant, l’acquisition de la compétence communicative est un long processus; ses différentes composantes se mettent en place à des stades différentes de l’évolution de l’enfant et de l’apprenant.
C’est en contexte interlocutif, insiste C. Kerbrat-Orecchioni,que l’enfant et l’apprenant acquièrent l’ensemble de leurs compétences langagières, c’est-à-dire:
KERBRAT-ORECCHIONI C., Les Interactions verbales…, op. cité, p.29.
Idem, p.p.29-31.
KERBRAT-ORECCHIONI C., Les Interactions verbales…, op. cité, p.p.33-37.