L’emploi du mot « action » ne semble pas être, estime C. Kerbrat-Orecchioni, un terme très réussi appliqué aux seuls énoncés langagiers. S’agissant d’unités plus vastes et plus complexes, il paraît en revanche plus approprié la notion d’« activité ».
Si elle se limite à un énoncé, C. Kerbrat-Orecchioni parle d’acte de langage. Si elle s’étend sur une séquence plus ou moins longue, elle propose d’employer plutôt le terme d’« activité ». En contexte interactif, cette activité est menée conjointement par les deux parties en présence, qui occupent les rôles dissymétriques de « confieur » et de « confident ». Si elle coexiste à l’interaction, on parlera, selon C. Kerbrat-Orecchioni, d’« événement » communicatif.
Les discours attestés, à l’écrit et plus encore à l’oral, sont généralement génériquement impurs (le métissage générique est la règle), constate C. Kerbrat-Orecchioni. On peut toujours définir dans l’abstrait certaines catégories idéales ou prototypiques, mais les réalisations de ces unités théoriques vont présenter tous les degrés de conformité/éloignement par rapport aux prototypes ainsi définis.
Les événements de communication sont définis d’abord sur la base de critères « externes », c’est-à-dire contextuels (nature et destination du site, nature du format participatif, nature du canal, but de l’interaction, degré de formalité de planification de l’échange, degré d’interactivité, etc.). Il s’agit notamment, des « entretiens », des « réunions », des « interactions de service » ou des « interactions de travail ».
Les types d’activités se définissent au contraire par des critères « internes »: une argumentation, un récit ou des salutations sont reconnaissables comme tels indépendamment des événements dans lesquels ils s’inscrivent.
C. Kerbrat-Orecchioni rappelle que par « contexte » on entend d’abord le cadre extérieur à l’interaction proprement dite (voir, entre autres, le modèle SPEAKING de Hymes, par exemple), mais aussi le contexte « séquentiel » ou « intra-interactionnel », qu’en linguistique textuelle on appelle généralement « cotexte ». Les deux contextes peuvent être envisagés au niveau micro ou macro: cotexte étroit ou large pour le niveau « interne »; et pour le contexte externe, cela va de la situation, c’est-à-dire de l’environnement immédiat, à la société dans son entier, en passant par le niveau de portée intermédiaire qu’est le contexte institutionnel. Le contexte façonne le discours et le discours façonne le contexte en retour. Le contexte a donc un caractère dynamique.
Pour Gumperz,253 l’analyste « a toujours besoin d’une analyse préliminaire du contexte », et doit récolter le plus d’information possible sur le site étudié. La signification interactionnelle d’un comportement quelconque se situe toujours à l’interface des données externes et internes.
C. Kerbrat-Orecchioni postule que la description a toujours intérêt à partir d’une spécification la plus fine possible des éléments pertinents du contexte (le « cadrage » de l’interaction, ou son schéma: nature du site, rôles en présence, but de l’échange, etc.) auxquels les participants eux-mêmes ont accès. Il s’agit ensuite de voir comment ils sont éventuellement « négociés » entre les interactants au cours du déroulement de l’interaction. En se privant des informations contextuelles pertinentes, l’analyste risque bien de se rendre impuissant à analyser correctement ce qui se passe.
Selon C. Kerbrat-Orecchioni, ce qui vient d’être dit sur la préexistence du contexte vaut à l’identique pour la langue et l’ensemble des règles, régularités, conventions et normes qui sous-tendent la production et l’interprétation du discours.
EERDMANS S. L., PREVIGANO C. L. & THIBAULT P. J. (eds.), Language and Interaction. Discussions with John Gumperz, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins, 2002, p.22.