1. 4. Une organisation spécifique des polylogues pédagogiques

Toute interaction mettant en jeu plus de deux participants est, signale R. Bouchard,relativement instable: la règle de l’alternance des tours de parole entre deux interlocuteurs ne peut plus fonctionner. Cette instabilité apparaît dès le trilogue. Elle est donc constitutive du polylogue et nécessite pour les polylogues institutionnels une organisation réglée. L’enseignant par son âge, son statut, sa détention des savoirs devient (entre autres fonctions), selon l’expression de R. Bouchard, « le maître de cérémonie indispensable » du polylogue pédagogique. Il peut le réduire à une pratique monologale ostensive comme le cours magistral.

Dans le cas du cours dialogué, on parle de son élément central qui est l’échange ternaire. Roulet le définit comme la plus petite unité dialogale constituée de trois unités monologales, les interventions, dont seule la seconde laisse la parole aux élèves. Les interventions polylogales de l’enseignant se situent dans la première et la troisième intervention, celles qui ont le pouvoir d’initier et de clore l’échange. R. Bouchard constate que souvent un même tour de parole de l’enseignant associe en les reliant de manière plus ou moins explicite, une intervention de clôture polylogale d’un premier échange et l’intervention d’ouverture de l’échange qui suit.

Le cœur même de l’épisode pédagogique minimal est, selon R. Bouchard, de nature dialogale. Mais dans certains corpus, raisonne-t-il, ce moment dialogal peut disparaître, l’épisode minimal se réduisant alors monologiquement, à une question initiale, de type rhétorique, d’« alerte thématique », suivie, après une légère pause de l’apport de l’information « officielle » par l’enseignant.

R. Bouchard spécifie qu’après l’intervention de l’enseignant de nature souvent interrogative se pose la question, caractéristique au polylogue, de la sélection d’un locuteur au sein de l’ensemble des apprenants. La question « à la cantonade » de l’enseignant est donc suivie de celle - indispensable à un échange enchâssé - d’attribution de la parole. L’ensemble simultané de demandes de prise de parole s’exprime à la fois gestuellement et vocalement, suivie par la désignation du seul locuteur autorisé par l’enseignant.

La première intervention de l’échange est caractérisé par R. Bouchard comme lieu privilégié d’organisation locale du polylogue, le moment où se gère à chaque nouvel échange une nouvelle distribution de la parole, la mise en scène d’un nouveau dilogue public ostensif momentané. Cette phase technique peut être, raisonne R. Bouchard, simplifiée, à son tour, l’enseignant ayant le droit de choisir lui-même son interlocuteur, y compris parmi les étudiants non volontaires.