1. 8. 2. Les étapes comme unités locales

R. Bouchard subdivise les épisodes en unités plus petites, les étapes, qui sont ouvertes aussi bien par les étudiants que par l’enseignant, occupés à gérer « on line » un épisode, et qui permettent de résoudre au coup par coup les difficultés locales - matériels et linguistiques - de résolution de la tâche ou de sa mise en mots. Selon R. Bouchard, elles sont davantage observables a posteriori que prévues a priori par l’enseignant. On parle de la bifocalisation de la communication mise à jour par P. Bange: l’interaction passe momentanément d’une focalisation sur le thème à une focalisation sur la langue. Mises en jeu à chaud, hic et nunc, ces unités « locales » sont caractéristiques de l’« action » au sens de Filliettaz (2005).288 R. Bouchard conclut ainsi que les étapes n’ont pas d’existence autonome.

Parmi ces « étapes », l’enseignant se doit, d’après R. Bouchard, de rendre plus audibles aux apprenants celles qui peuvent avoir un intérêt collectif, dans le cadre de la visée didactique du polylogue. C’est au moment de leur clôture que l’enseignant va souligner – éventuellement en faisant un recours ponctuel à l’écrit - l’intérêt collectif du problème personnel résolu.

Les étapes sont co-construites dans l'ici et maintenant de l'interaction. Elles sont précisément le lieu où l'on peut observer comment l'enseignant cherche (et parvient) à réaliser ce qu'il avait prévu, et surtout comment les apprenants de leur côté participent, interprètent et structurent les activités successives.

R. Bouchard souligne que les unités activités, phases et épisodes relèvent de la seule responsabilité de l’enseignant en tant qu’organisateur de la séance. A la fin possible d’un de ces épisodes, l’enseignant insatisfait peut aussi le prolonger en y ajoutant a posteriori une ou des étapes supplémentaires, des « étapes liées » portant sur un aspect du thème précédemment discuté qu’il n’a pas complètement pris en compte. Au cours d’un épisode, un apprenant, comme l’enseignant, peut suspendre le déroulement de cet épisode pour régler, « à chaud », un problème plus spécifique, technique par exemple.

Dans la classe de langue et plus particulièrement dans le groupe-conversation, ces étapes, appelées par R. Bouchard « étapes enchâssées », sont souvent de nature métalinguistique, centrées sur un obstacle linguistique, lexical par exemple, ponctuel, pour lequel le contrat didactique autorise l’étudiant à interroger l’enseignant en suspendant la « bifocalisation » de toute communication humaine, mais de la communication exolingue en particulier. L’« étape enchâssée » est ainsi le mode de réalisation de ce que d’autres chercheurs appellent des « séquences latérales » ou des « séquences potentiellement acquisitionnelles » postulées par De Pietro, Matthey, Py.

C’est donc uniquement au niveau de ces petites unités, les étapes, remarque R. Bouchard, que les apprenants peuvent influer sur le déroulement de la séance. C’est aussi avec les étapes que se pose la question très débattue de la correction par l’enseignant de la réponse de l’étudiant.

Notes
288.

Voir la note 1 à la page 215.