3. 0. Le discours de transmission et le discours de catégorisation en classe de langue294

Le fait que les interactions en classe de langue ont pour objet principal de discours les savoirs et savoir-faire langagiers en langue-cible, permet, affirme Fumiya Ishikawa, de les caractériser comme étant constituées dans une large mesure d’activités métalinguistiques telles que la reformulation et l’évaluation. Tandis que dans un milieu dit « naturel » les interactants sont tenus de réagir d’une manière imprévisible, les acteurs d’une classe de langue ont à parler de la langue et à catégoriser certains phénomènes de cette dernière comme nécessitant des reformulations ou des explications. F. Ishikawa caractérise la classe de langue comme lieu où les activités métalinguistiques sont institutionnellement légitimées. La langue y est catégorisée comme l’objet à enseigner par l’institution scolaire; les faits linguistiques à enseigner sont rangés et catégorisés par un programme d’enseignement préétabli – ou établi par l’institution – et par le manuel choisi, de telle manière que les apprenants rencontrent le moins de problèmes possible lors de l’apprentissage.

Le fait que l’enseignant adopte la démarche d’enseignement du manuel et pose les questions que l’on trouve dans celui-ci signifie qu’il estime les instructions pédagogiques du manuel pertinentes ou propices à sa stratégie d’enseignement, conclut F. Ishikawa.

L’enseignant pratique des activités de catégorisation dans les interactions avec les apprenants: il catégorise la langue dans et par les interactions avec les apprenants et/ou en fonction des paroles produites par ces derniers. F. Ishikawa cite un cas représentatif de telles activités de catégorisation dynamiques: une expertise par l’enseignant de la difficulté ou de la facilité d’un fait langagier à enseigner par rapport aux compétences des apprenants avérées au cours des interactions.

L’évaluation des produits verbaux des apprenants est, d’après F. Ishikawa, avec la fonction d’information et celle d’animation, aussi l’une des pratiques interactionnelles ayant trait à l’activité de catégorisation. C’est en fonction des normes linguistiques que l’enseignant évalue les paroles produites par les apprenants, ce qui signifie que l’évaluation est un acte qui produit des normes linguistiques dans le discours en classe de langue. F. Ishikawa souligne que les normes linguistiques de référence de l’enseignant ne sont pas des normes en usage à l’oral, mais celles de l’écrit: le rituel pédagogique privilégie la manifestation maximale de l’usage normatif. Ce n’est pas sur la base d’un enjeu conversationnel qui valoriserait l’économie ou l’efficacité pragmatique, que portent les évaluations métalinguistiques, mais sur le recours à cette norme de l’écrit.

F. Ishikawa conclut que le rôle de l’enseignant ne se limite pas à la transmission de connaissances langagières, à l’évaluation et à l’animation de la classe. En jouant ces rôles, l’enseignant évoque souvent une image de la langue et participe ainsi à l’élaboration de la représentation de cette dernière chez ses apprenants.

Notes
294.

ISHIKAWA F., « Discours de transmission et discours de catégorisation en classe de langue: une approche d’inspiration ethnométhodologique des interactions », dans: Le Français dans le monde, juillet 2005, p.p.54-61.