Selon Mondada, 295 la catégorisation des locuteurs se trouvant en situation exolingue peut aller de paire avec une catégorisation des formes linguistiques qu’ils utilisent comme appartenant à telle ou telle langue, comme opaques ou transparentes, comme familières ou étrangères. La classe de langue se distingue de la situation exolingue dans laquelle les catégories d’« expert » (ou de « natif ») et d’« apprenant » (ou de « non natif ») ne se définissent d’une manière générale que dans et par des interactions, par le fait que les catégories de « professeur » et d’« apprenant » sont dans une large mesure déterminées par les statuts que confère le contexte institutionnel aux participants. Ce sont par exemple des activités que l’acteur-enseignant mène pour valider la catégorie de « professeur » - ou des activités consistant à « faire le prof » -, tandis que réagir d’une manière propice à de telles directives professorales témoigne du fait que l’acteur-apprenant mène des activités attendues et accepte de jouer le rôle d’« apprenant ». Il arrive cependant que cette revendication des rôles définis préalablement par la situation soit suspendue provisoirement au cours des échanges verbaux. On observe qu’à la suite de l’oubli sur un objet à « didactiser », l’enseignant qui devrait rester l’évaluateur – soit le professeur – se catégorise temporairement comme demandeur d’information, en formulant la question, ce qui permet à l’autre qui a un statut d’apprenant de se comporter comme un « fournisseur d’information ».
Le contexte n’est pas donné, mais construit par les participants dans leur effort de le rendre disponible, afin d’organiser leur activité de façon mutuellement compréhensible. Il est redéfini procéduralement par les interactants à chaque moment du développement des interactions. En « faisant le prof » ou en menant des activités métalinguistiques avec les interlocuteurs dans le but de leur transmettre des connaissances langagières, l’acteur-enseignant, non seulement se catégorise comme « professeur » et catégorise ses interlocuteurs comme apprenants, mais il décrit en même temps le contexte comme institutionnel et justifie ainsi la situation préalablement définie comme telle par cette institution. En revanche, suspendre ces activités pour s’engager dans une autre – comme demander des informations ou des précisions sur un objet du monde qu’il veut didactiser, mais dont il n’a pas de connaissances suffisantes ou qu’il a oublié signifie que le sujet-enseignant décrit temporairement le contexte comme ressemblant à un contexte non institutionnel – comme une situation de type demande/apport d’information.
Ainsi, l’approche ethnométhodologique des interactions didactiques en classe de langue permet de s’interroger dynamiquement non seulement sur les processus par lesquels la langue, les locuteurs et le contexte se catégorisent dans et par les échanges verbaux, mais également sur la « compétence de catégorisation » de chaque acteur, compétence « définissant son appartenance à une communauté, lui permettant de se reconnaître les conduites des autres et de produire la reconnaissabilité de sa conduite comme catégoriellement adéquates ou non ». Plusieurs recherches ont montré que, dans les interactions exolingues en milieu naturel, on observe une très grande divergence de cette compétence entre les interactants.
MONDADA L., « L’Accomplissement de l’ « étrangéité » dans et par l’interaction: procédures de catégorisation des locuteurs », dans: Langages, n°134, 1999, p.p.20-34.