La notion de flexibilité communicative provient de Gumperz; il s’agit du phénomène qui consiste à adapter ses stratégies à son auditoire et aux signes qu’il émet.
Francine Cicurel estpartie de l’idée que l’enseignant est dans la situation de mettre en place une action planifiée (qui se traduit par des programmes, des objectifs, des buts, etc.). Mais la notion même d’approche communicative contient l’idée que l’étudiant est libre d’avoir une initiative, de déranger l’ordre proposé. A l’enseignant de réagir à ces tentatives de déplanification, aussi que de savoir saisir les occasions fournies par le groupe et d’en faire un objet de médiation du savoir à transmettre.
Avec le développement des notions de « discours didactique » ou de « didacticité », proposées par Ali Bouacha 307 ou Moirand 308, on considère que le discours d’un enseignant comporte des traces linguistiques de son intention communicative: des actes explicatifs, l’exposition de faits, un métalangage en rapport avec la matière enseignée. Le fait d’avoir à présenter des mots ou des concepts inconnus dote la communication didactique des particularités discursives. Le code est au centre de la communication didactique et la dimension métalinguistique est avérée.
F. Cicurel remarque que l’entrée interactionniste porte davantage sur la relation entre des sujets sociaux que sur l’objet du discours n’étant que l’un des « ingrédients » de la description. Ce sont les manières de donner la parole, de faire parler les autres qui font l’objet d’observation. On parle d’échanges asymétriques, de cadre de participation, de format communicatif, on s’occupe du système d’alternance des tours de parole, de la façon de ménager la face des participants.
L’interaction en contexte institutionnel est, affirme F. Cicurel, un type d’interaction planifiée, et cette planification est mise à l’épreuve au moment du cours et de la rencontre avec une force de coopération ou de résistance.
En se référant sur les travaux d’Ali Bouacha consacrés au discours universitaire et ceux de Bange décrivant les conditions particulières de l’apprentissage en classe, F. Cicurel conclut qu’il s’agit de manipuler la communication en L2 en vue de maximiser les processus acquisitionnels de l’apprenant. Les places interactionnelles sont déterminées en fonction du savoir.
Elle remarque que les situations d’enseignement/apprentissage, étant variées dans les contextes institutionnels et les pays, ne manquent cependant pas à l’obligation où se trouve un locuteur savant d’énoncer un savoir prédécoupé dans le programme et devant faire l’objet de l’appropriation dans un temps limité pour un bénéficiaire apprenant. Un « rôle enseignant », un « rôle apprenant », une intention de tenir un discours donnant au participant apprenant la possibilité d’apprendre sont des éléments qui caractérisent toute situation d’enseignement. Il s’agit de transmettre un savoir ou un savoir-dire. La communication didactique doit permettre la réalisation des buts. D’après F. Cicurel, enseigner ou apprendre une langue dans un contexte institutionnel donne lieu à une interaction à finalité externe, qui préexiste à l’interaction.
La situation d’apprentissage est régie par un contrat didactique qui n’est pas rigide et selon lequel il faut qu’il y ait mise en place d’actions d’apprentissage, ce qui implique une obligation de résultats, se traduisant par une modification du savoir (savoir faire ou savoir dire) des apprenants. Il n’est guère possible d’analyser la communication d’apprentissage sans se référer à ce contrat. F. Cicurel est persuadée que si l’enseignant met en place des activités pédagogiques diverses, s’il pose des questions à tout propos, s’il encourage la parole inventive, c’est qu’il juge que cela est propice à l’apprentissage de la langue. Elle précise en même temps que le caractère prédéterminé de l’interaction (programmes et contraintes institutionnelles) n’exclut pas pour autant l’« événement » à construire, de façon unique, par chacun et pour chacun des participants.
F. Cicurel résume que pour enseigner une langue en contexte institutionnel, il faut à la fois « tenir » l’interaction, remplir les obligations interactives et permettre une prise de parole individualisée et « fraîche », susceptible de déranger l’ordre interactionnel parce que c’est une parole authentique. Il faut apprendre à « parler naturellement » mais ceci dans le respect des règles liées à la situation didactique.
CICUREL F., « La Flexibilité communicative: un atout pour la construction de l’agir enseignant », dans: Le Français dans le monde, juillet 2005, p.p.180-191.
ALI BOUACHA A., Le Discours universitaire, la rhétorique et ses pouvoirs, Bern, Peter Lang, 1984.
MOIRAND S., « Autour de la notion de didacticité », dans: Les Carnets du Cediscor, n°1, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 1993.