8. 2. Complémentarité entre apprentissage guidé et acquisition sociale dans les dispositifs d’intégration

Dans leur récent article traitant la question de la complémentarité entre apprentissage guidé et acquisition sociale dans les dispositifs d’intégration, R. Bouchard, C. Cortier et Ch. Parpette 321 approfondissent les idées énoncées par R. Bouchard dans son article précédent.322 Ils estiment que chez les « Ena », la conjonction ressources-besoins est optimale: ils ont toutes chances en particulier de mieux s’approprier la langue du pays d’accueil que leurs camarades restés au pays et apprenant cette langue dans le cadre de la seule classe de langue. Nous aurons l’occasion d’évaluer cette thèse dans la troisième partie du présent travail.

Les chercheurs soulignent qu’autant qu’un bilinguisme, l’« Ena » doit manifester une double compétence linguistique et culturelle, additive, qui lui permette de se comporter globalement en classe selon les attentes implicites du reste de la communauté scolaire dont il doit devenir partie prenante. Selon les auteurs de l’article, un Ena ne peut qu’accepter de « se fondre » dans la communauté de la classe dont il a réussi à adopter l’« habitus ». Si l’école est un lieu d’apprentissage, c’est aussi une institution éducative qui a pour but de construire implicitement des membres, partageant un ensemble de pratiques, de valeurs ayant trait en particulier à la vie en commun.

Pour ce qui est de la « compétence scolaire » de l’Ena, R. Bouchard, C. Cortier et Ch. Parpette sont persuadés qu’il semble moins grave pour ce premier de s’exprimer dans une interlangue que l’enseignant pourra toujours corriger ponctuellement, que de se comporter, pour des raisons interculturelles, d’une manière qui peut apparaître comme non acceptable à un enseignant, amené alors à lui « faire la leçon » publiquement. L’élève étranger doit donc se familiariser avec les activités langagières, mais aussi non langagières, typiques de l’école (française) et ce sont celles-là qu’il importe de travailler en priorité avec lui. Tous les élèves doivent apprendre à agir collectivement au rythme imprimé par l’enseignant et que, parmi ces actions, beaucoup ont trait au maniement simultané de la langue orale et des outils d’écriture. C’est cette coordination des actions de l’enseignant et des élèves qui leur permet de rester en phase de manière à ce que le groupe puisse progresser à la fois individuellement et collectivement. Ces obligations ne différent certes pas pour les élèves étrangers et pour les élèves français.

Les auteurs du présent article précisent que sur le plan didactique, la démarche s’inscrit dans la problématique des situations et documents authentiques, qui repose sur l’hypothèse qu’une confrontation avec les situations cibles favorise l’apprentissage.

La concomitance de divers rôles que joue l’enseignant face à ses apprenants – expert d’une discipline, organisateur d’activités d’apprentissage, régulateur de comportements, etc. – implique une construction discursive souvent complexe de la parole de ce premier, avec des énoncés de différents types fortement imbriqués les uns dans les autres. On peut y ajouter d’autres phénomènes tels que les différentes formes d’organisation du travail (grand groupe, petit groupe, individuel; la concertation entre élèves vs le travail silencieux), les différentes formes de consignes, les reformulations, leur construction progressive en fonction des réactions des élèves, etc. R. Bouchard, C. Cortier et Ch. Parpette considèrent la dimension discursive et interactionnelle comme le nœud de cet apprentissage, tout en situant la difficulté de la maîtrise de la classe à la mesure de la complexité des discours qui y circulent.

Notes
321.

BOUCHARD R., CORTIER C. et PARPETTE Ch., « Quelle complémentarité entre apprentissage guidé et acquisition sociale dans les dispositifs d’intégration ? », dans: Chnane-Davin F. et Cuq J.-P. (coord.), Le Français dans le monde. Du Discours de l’enseignant aux pratiques de l’apprenant, n°44, juillet 2008, p.p.29-39.

322.

BOUCHARD R.,« Du Français fondamental…», op. cité.