Catherine Carlo, enseignante à l’Université Paris 8, a fait une étude qui consiste, à travers l’examen de plusieurs corpus, à repérer des pratiques de transmission de données langagières, dans différentes situations d’apprentissage guidé, se déroulant en milieu universitaire, concernant les apprenants de nationalités différentes.323 L’hypothèse sous-jacente est que ces cours de L2, parce qu’ils sont « plébiscités » par des sujets non captifs, en milieu institutionnel, présentent des traits identifiables. La chercheuse a voulu étudier les formes diverses que prend l’agir des enseignants, dont les cours sont librement choisis par des étudiants et suivis avec assiduité. L’examen, qui s’appuie sur les traces linguistiques, porte non seulement sur les microactivités de l’enseignant pour donner à entendre ou à formuler de la langue, mais également sur leur enchaînement. Le terme d’activité n’est pas à entendre ici au sens qu’il revêt chez Filliettaz.324 Il renvoie plutôt aux deux types d’actes finalisés, programmés en amont ou émergeant en situation de classe.
La première hypothèse posée par C. Carlo est qu’il existe une intrication des activités de l’enseignant, renvoyant à différents plans. Cette supposition rapproche l’enseignement de L2 à d’autres situations de travail pour lesquelles des recherches en ergonomie cognitive ont mis en évidence la polyfocalisation de l’action. Sa deuxième hypothèse porte sur quelques variables relatives au style de l’enseignant, tel qu’on peut l’appréhender de manière globale. Certains traits stylistiques étant propres au locuteur, d’autres relevant du genre « cours universitaire de L2 », il est compliqué de démêler ce qui est propre à l’idiosyncrasie de ce qui est contraint par le format de l’action professionnelle. C. Carlo entend par le « style » de l’enseignant le marquage verbal, para-verbal, non verbal, de l’agencement de différents rôles, qu’il met en œuvre, qu’il les endosse délibérément ou non.325 Elle suppose que l’effet de réel qui se dégage de la lecture du corpus résulte, d’une part d’une dynamique, qui fait alterner de façon régulière, énoncés focalisés sur le code et sur son traitement cognitif, et énoncés qu’on pourrait considérer comme relevant de la conversation ordinaire. Il résulte, d’autre part, d’une théâtralisation qui revêt ici des formes spécifiques.
L’analyse donne quelques éclairages sur ce qui peut être synthétiquement qualifié de « cours vivant ». L’examen a permis à C. Carlo de distinguer dans les énoncés de l’enseignant plusieurs types d’intervention: celles qui sont explicitement focalisées sur le code; celles qui visent la facilitation du traitement de l’input; celles visant le déroulement d’une thématique planifiée; celles visant l’établissement et la gestion du lien communicatif. Autant de traces qui dessinent en creux la conception implicite de ce qu’enseigner veut dire pour l’enseignant observé, et qui permettent de préciser les rôles endossés.
CARLO C., « Le « naturel didactique… », op. cité, p.p.105-113.
Voir ci-dessus.
CARLO C., « Le « naturel didactique… », op. cité, p. 106.