9. 1. Les interventions de l’enseignant focalisées sur le code et celles qui visent la facilitation du traitement de l’input

Au cours de l’examen du premier type d’interventions,326 C. Carlo n’a pas été surprise de voir apparaître, en situation d’enseignement, ces types d’intervention dont la présence est attestée, même en situation d’apprentissage non guidé: en situation d’interaction exolingue, le natif est en état de veille, par rapport à la langue à laquelle il expose l’apprenant, et par rapport à la langue que celui-ci produit. Le natif attire l’attention de l’apprenant (ou supposé tel) sur le fonctionnement de la langue-cible et sur la conformité ou non de ses énoncés aux normes intuitives ou académiques du code linguistique. De son côté, l’enseignant est investi institutionnellement d’un rôle de transmission de connaissances. Il serait donc raisonnable, remarque C. Carlo, de s’attendre à rencontrer dans son discours en situation de l’interaction pédagogique, un grand nombre de procédures focalisant l’attention des apprenants sur la langue-cible. De fait, les procédures mises en œuvre sont variées et opèrent selon un double mouvement d’apport « marqué » d’information et de sollicitation des apprenants. L’apport « marqué » d’information sur le code peut prendre la forme d’éléments mis en exergue au moyen de la prosodie, de contextualisation ou de ratification d’exemples, de précision sur l’emploi, d’association, de correction, de traduction, de définition, d’explication étymologique.

C. Carlo démontre que les sollicitations des apprenants par l’enseignant sont de plusieurs types: nombreuses questions directes, des amorces et des demandes de mises en contexte (par exemple, une quasi-injonction à faire une phrase). Les modalités d’apport d’information et de sollicitation à mobiliser des connaissances en mémoire sont massivement présentes dans le corpus auquel se base la chercheuse. Si les premières ne diffèrent pas qualitativement de celles qui sont utilisées par les natifs dans les interactions exolingues en milieu non guidé, leur fréquence, en revanche, est plus grande. Les types de sollicitations, eux, semblent plus diversifiés qu’ils ne le sont hors d’un cadre d’apprentissage institutionnel. L’examen de l’ensemble du corpus fait apparaître le primat des questions et des exemples sur toute autre modalité d’exposition à la langue et de mobilisation de connaissances langagières.

En ce qui concerne le deuxième type d’interventions, C. Carlo remarque que le travail cognitif qui transforme l’input (l’information à laquelle un apprenant est exposé), en intake (l’information saisie et traitée) est du ressort exclusif de l’apprenant. Le volontarisme de l’enseignant peut s’avérer sans effet, et à l’inverse, un apport d’information, sans mise en relief, peut être occasion de saisie. Elle constate le souci de renforcer les traces en mémoire et donc de consolider les connaissances, en réactivant des échanges passés, en martelant une occurrence, en évaluant les productions des apprenants, en proposant des récapitulations, éventuellement parodiques, en incitant à des comparaisons avec la langue maternelle, en proposant des vérifications de la compréhension. La mise en perspective de règles vise à aider à distribuer l’attention ou un remaniement des connaissances en mémoire. Les microactivités proposées par l’enseignant prennent notamment en compte la sélection d’informations issues de l’input, la création de connaissances nouvelles en mémoire par restructuration des connaissances anciennes, et pour partie, la fortification des connaissances par consolidation des traces en mémoire (la restriction est motivée par un trait saillant du discours de l’enseignant, l’absence de pause, qui laisse supposer que celui-ci ne s’attache pas au mécanisme de répétition mentale).

Notes
326.

Idem, p.p.106-108.