Le troisième type d’interventions de l’enseignant porte, selon la classification de C. Carlo,327 sur la gestion de la thématique planifiée. Elle constate que si l’enseignant saisit au fil des échanges des occasions d’introduire lexèmes ou explications, il n’en reste pas moins qu’il s’est fixé des objectifs; la comparaison de ce qui apparaît dans son discours et sur sa fiche de préparation en témoigne. Selon C. Carlo, cette conduite du cours se marque linguistiquement, par l’intermédiaire des introductions thématiques, des clôtures, éventuellement péremptoires, un accueil contrôlé des digressions ou certaine « surdité » à l’égard de l’énoncé d’un étudiant n’étant pas dans le droit-fil du propos développé.
En ce qui concerne le quatrième type d’interventions,328 C. Carlo constate que par de nombreux traits, qui touchent au mode d’élaboration thématique et aux types d’interaction empruntés (commentaire impliquant parfois une mise en jeu du je, plaisanterie, narration, explication, voire échanges à bâtons rompus), les modules conversationnels du corpus pourraient relever de la conversation ordinaire. Cette impression est renforcée par la présence de marques linguistiques (particules énonciatives, présence d’un registre de langue familier, etc.) et un style interactionnel qui implique les interlocuteurs. Au fil du corpus, C. Carlo relève ainsi des affirmations rhétoriques, des rires, des réflexions à haute voix, des apartés, des commentaires, des plaisanteries, des digressions, des implications des interactants avec usage d’appellatifs familiers, des rappels à l’histoire interactionnelle commune; l’emploi des appellatifs marque la familiarité mais aussi l’asymétrie (un étudiant n’emploiera pas le même registre en s’adressant à son enseignant).
L’examen de l’organisation interactionnelle, tant locale (la sélection des tours de parole) que globale (la gestion des ouvertures, développements thématiques et clôtures), montre que les interlocuteurs, apprenants et enseignant, ne sont en rien interchangeables, à la différence des conversations ordinaires. C. Carlo conclut, par exemple, qu’il y a peu d’interventions auto-sélectionnées des apprenants et que les clôtures sont la prérogative de l’enseignant.
S’il est banal de parler des « acteurs »-apprenants, on peut prendre au pied de la lettre l’acception théâtrale du terme, à propos de l’enseignant. Le jeu, voire les éléments de mise en scène, s’appuie sur des codes assez largement partagés par les apprenants pour contribuer à la complicité du groupe. Selon C. Carlo, il peut s’agir de rituel théâtral partagé, de jeu transgressif sur les codes pragmatiques partagés du discours. Elle relève ainsi différents exemples de jeu sur les attendus et les tabous (toute sorte d’allusions, qui déclenchent rire ou sourire). C. Carlo constate que les éléments marquant la théâtralisation sont nombreux. Le partage des codes, qu’ils ressortissent aux rituels théâtraux ou à la pragmatique du discours de classe, permet à l’enseignant l’anticipation des réactions des apprenants, et notamment du rire. C. Carlo considère qu’au-delà de la bonne humeur qu’il génère, le rire, par les ruptures du flot du discours qu’il induit, est un élément qui contribue au rythme du discours de l’enseignant.
CARLO C., « Le « naturel didactique… », op. cité, p.109.
Idem, p.p.109-111.